Parfois, les petites enquêtes de terrain méritent d’être approfondies. Le centre régional pour l’enfance et l’adolescence inadaptée (CREAI) Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et Corse a publié, à la fin du mois de novembre, les résultats d’une petite enquête(1) sur les causes du non-recours des personnes handicapées aux établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS)(2). L’organisme était parti d’une autre étude qu’il avait réalisée l’an dernier et qui montrait que presque trois quarts des enfants disposant d’une orientation non satisfaite vers un établissement médico-social n’étaient pas inscrits sur liste d’attente. Monique Piteau-Delord, sa directrice des services, a confié qu’une grande enquête « étendue sur six départements » sera menée à partir de mai 2018. L’objectif : une « meilleure représentation des causes du non-recours aux ESMS ». Les résultats sont prévus pour la fin de 2019.
Pour l’heure, les résultats de l’enquête locale montrent d’abord que les non-recours peuvent être subis ou contraints. En ce qui concerne les non-recours subis, le rapport précise que, « pour au moins deux situations de personnes handicapées adultes, la non-inscription sur liste d’attente n’est pas connue de leur famille en raison d’une méconnaissance des démarches relatives à l’acte de candidature en ESMS ». De plus, « certains témoignages traduisent le manque de lisibilité et de transparence sur l’état des démarches en cours concernant leurs proches ». Pour le centre régional, « ce manque d’information pourrait être à l’origine du non-recours, alors que ce dernier n’est pas souhaité ».
Parfois, « le non-recours est subi par la famille en raison de critères d’accès à l’offre trop restrictifs et aux pratiques d’admission des établissements », indique le document. On apprend également que les critères d’éligibilité sont énoncés oralement lors du premier contact entre la famille et l’établissement. Ces critères sont parfois en contradiction avec la liste d’ESMS indiquée sur la notification d’orientation de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Ce fut le cas pour la mère d’une petite fille de 6 ans polyhandicapée, qui a dû contacter sept instituts médico-éducatifs (IME) différents avant son inscription sur la liste d’attente de l’établissement dans lequel elle se trouve aujourd’hui. « La MDPH m’avait notifié trois ou quatre IME. J’en ai fait beaucoup plus, ça n’allait jamais dans ceux qu’ils m’ont donnés. Soit parce qu’il y avait des escaliers, soit parce que les enfants sont tous propres. Il y a toujours un problème comme ça », témoigne la mère.
Le CREAI PACA et Corse conclut, sur ces situations de non-recours subi, que « le nombre de places insuffisant dans certaines catégories d’établissement ou de service, ou l’insuffisance d’une offre correspondant spécifiquement au handicap de la personne, peut amener les structures à intégrer des critères de plus en plus “excluants” pour certaines catégories de public. »
Dans d’autres cas, le non-recours est volontaire. Pour deux situations, « les parents n’ont pas engagé de procédure ou ne sont pas allés jusqu’au bout », en raison de l’« écart entre les attentes de la famille et la solution proposée », note le rapport d’étude. Des problèmes de transport sont également évoqués, ainsi que des méthodes pédagogiques éducatives ou thérapeutiques insuffisantes par rapport aux besoins. Ce fut le cas pour la mère d’un enfant de 12 ans, infirme moteur cérébral : « Les méthodes proposées par l’établissement étaient inadaptées, voire déficitaires », note le document. Parfois, le non-recours s’explique par « une solution actuelle satisfaisante » ou « une préférence pour des solutions alternatives », comme le maintien à domicile. Pour Monique Piteau-Delord, cette petite étude révèle « une incompréhension des décisions de la MDPH » et montre qu’il est, pour les familles, « difficile de comprendre les notifications ». La grande étude qui sera menée en 2018-2019 incitera peut-être l’Etat à se saisir de ces difficultés pour les résoudre.
(1) Lien abrégé : frama.link/EtudeCREAIPaca.
(2) Enquête réalisée par entretien téléphonique. Huit personnes de la région PACA et Corse y ont répondu.