Il a goûté à toutes les batailles. Conseiller d’une sénatrice avant d’intégrer le cabinet du maire du XIVe à Paris, il a cocréé une maison départementale des personnes handicapées (MDPH), défendu les couleurs du Front de gauche aux législatives de 2012 et arpenté sans relâche les couloirs de plusieurs associations. A 38 ans seulement, Guillaume Quercy affiche un CV à faire pâlir toute une génération de militants. Un CV dense et d’une rare cohérence, où il est toujours question d’engagement ; un CV où s’entremêlent les activités bénévoles et salariées en tissant toujours un même fil : celui de la solidarité.
Elu à la présidence de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles en septembre 2016, ce Francilien pur jus, installé à Paris après avoir longtemps vécu en Seine-et-Marne, est un convaincu de la première heure. Il connaît la maison comme les rouages de l’aide à domicile. Son premier engagement à l’UNA – bien avant de présider l’UNA Seine-et-Marne et l’Una’Dom, l’une des associations du réseau – date de… 1996. A l’époque, il n’avait que 16 ans. Un âge où se forgent les opinions, où l’on rêve plus volontiers du Grand Soir et d’aventures humanitaires que de responsabilités dans une structure spécialisée. C’est pourtant le choix que fait Guillaume Quercy, encouragé par des militants du Parti socialiste, auquel il vient d’adhérer.
Lui aussi, bien sûr, affiche des idéaux. Sur les bancs du lycée, accompagné de militants de tous bords, anarchiste ou chrétien social, il mobilise ses camarades et apprend à protester pour défendre une certaine idée de la liberté. L’âme rebelle donc, mais avec le souci permanent de concrétiser ses principes et ses valeurs sur le terrain, de manière très opérationnelle. Ce qu’il fait en s’engageant à l’UNA. « J’ai toujours essayé de faire ces allers-retours entre les idées et la vie réelle,explique-t-il. La question des droits humains, de la dignité et de l’égalité d’accès aux soins est centrale à l’UNA. Sans services à domicile, ces droits ne sont pas applicables pour une bonne partie de la population. »
Idéaliste, probablement ; réaliste, sans aucun doute. Dans ses activités militantes comme professionnelles, ce père d’un garçon de 12 ans a toujours été motivé par la recherche de l’efficacité. « Il est très engagé, mais il sait parfaitement ce qui est possible ou pas, souligne Christine Dupré, sa patronne lorsqu’il était directeur adjoint de la MDPH de Seine-et-Marne. Il porte des valeurs aussi loin qu’il peut, mais ce n’est pas Don Quichotte. Il est lucide face aux décideurs politiques et, quand il sent que ça ne passe pas, il fait autrement avec beaucoup d’intelligence dans ses démarches. »
Vingt ans après avoir fait ses premières armes à l’UNA, Guillaume Quercy prend les rênes de l’association dans un contexte délicat, marqué par des difficultés économiques chroniques et un manque de reconnaissance institutionnelle. « Ça fait des années que nous sommes maltraités et incompris, tranche-t-il. Nous devons faire en sorte de changer le regard qu’ont les institutions sur nous, de parler autrement de nos métiers pour faire entendre nos revendications. » Gagner, en quelque sorte, une influence à la hauteur de ce que pèse l’aide à domicile, considérée comme l’un des tout premiers pourvoyeurs d’emplois en France. « Des emplois utiles socialement et, qui plus est, non délocalisables », insiste le président, qui rappelle les projections à l’horizon 2022. Selon France Stratégie et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), d’ici à cette date, les métiers du domicile devraient être le premier secteur de recrutement, avec la création de 160 000 postes à pourvoir. Autant de professionnels essentiels pour répondre aux enjeux d’avenir du secteur médico-social. Qui d’autre que les salariés de la branche pour réussir le « virage ambulatoire » ? Qui d’autre pour prévenir la perte d’autonomie et conseiller les personnes fragiles au quotidien ? Il n’empêche : les métiers du domicile, pour la plupart mal rémunérés, manquent d’attractivité, et l’oreille des gouvernements successifs reste trop peu réceptive… « L’UNA intervient auprès de 700 000 personnes, 2 millions si l’on inclut les différentes fédérations de la branche, et nos interlocuteurs n’ont toujours pas compris que nous n’étions pas des femmes de ménage. »
En ce début de mandat, Guillaume Quercy hausse le ton et affiche sa volonté de donner une dimension politique à sa présidence. « On doit redire qu’on est à un stade ultracritique en matière de financement. C’est une réalité qui favorise la dégradation des conditions de travail et de la qualité des services », constate-t-il, conscient de la nécessité de faire entendre la voix du domicile. Sans se bercer d’illusions. « Un financement à la hauteur des enjeux se situe autour du milliard et demi d’euros. C’est accessible, mais si on ne parvient pas à dégager cette somme, commençons par financer une restructuration du secteur. » Le président de l’UNA plaide pour inscrire pleinement l’aide à domicile dans le parcours de santé des personnes. Son ambition ? Obtenir la création d’une section dévolue à l’aide à domicile au sein des agences régionales de santé (ARS). « Aujourd’hui, nous sommes cantonnés à l’action sociale des départements, à la politique du XXe siècle. Les pouvoirs publics doivent mettre en place des dispositifs pour que les ARS construisent l’aide à domicile en lien avec l’hospitalisation, avec les services de soins infirmiers, pour que nous devenions de véritables relais du personnel médical. »
Le successeur de Francis Contis à la tête de l’UNA sait protester. Mais il sait aussi argumenter, dialoguer et proposer. Sa force réside justement dans sa capacité à formuler des solutions. « Il sait analyser la situation et poser les termes du débat de façon très claire avant de proposer des solutions acceptables par tous, et de négocier avec les parties prenantes qui n’ont pas forcément la même approche », loue Maryse Lépée, sa présidente lorsqu’il était directeur de l’Uriopss(1) Ile-de-France, de 2014 à 2017. « C’est un bâtisseur,abonde Christine Dupré. Il porte les dossiers non seulement avec une vision politique, mais aussi avec des propositions techniques et concrètes. Malgré les fortes contraintes économiques qui pèsent sur le secteur, il va chercher à se frayer un passage. »
Bosseur acharné, Guillaume Quercy est réputé pour connaître ses dossiers sur le bout des doigts. Ce qui lui confère, aujourd’hui, autorité et charisme. Une qualité face aux défis qui attendent l’aide à domicile. Pour être plus visibles, Guillaume Quercy en est persuadé, les fédérations du domicile doivent se regrouper. Mieux : il rêverait de voir l’ensemble des acteurs de la santé et du social réunis sous la même bannière. « La branche “sanitaire et social” parvient à obtenir des avancées, beaucoup plus que nous. Ensemble, on réussirait à créer des métiers adaptés aux parcours des personnes. » En parallèle, il veut remobiliser les membres de sa propre fédération. « Ce n’est pas le siège à Paris qui doit être responsable de ses réussites comme de ses échecs, mais chacun des membres qui constituent la fédération, considère Guillaume Quercy. On doit retrouver ce qui fait les fondements du secteur associatif. » Fédérer, c’est l’une des qualités que lui prête Maryse Lépée : « Il sait mobiliser un réseau parce qu’il donne du sens à l’action politique. » Christine Dupré ajoute : « Il n’est pas dans une rivalité avec les autres. Et dans la mesure où il a une attitude très respectueuse des personnes, où il allie compétence et vision stratégique, il est capable de faire passer des idées. »
Dans son sillage, Guillaume Quercy veut mobiliser les bénévoles. Et recruter. « L’UNA ne s’en est pas assez préoccupée. Historiquement, le réseau s’est construit sur la professionnalisation du secteur, avec des équipes très qualifiées. A nous de mettre nos compétences au service du projet des citoyens, de créer du lien social », constate-t-il. Pour y parvenir, le président veut mettre en place des actions concrètes, notamment avec France Bénévolat. Avec, en ligne de mire, l’idée de s’adapter aux nouvelles formes d’engagement. « Quand on regarde les enquêtes d’opinion, on se rend compte que les gens sont prêts à donner du temps. Mais on n’est pas organisé pour leur offrir un espace de bénévolat permettant de s’engager aussi bien pour la cause du service à domicile que du handicap ou des migrants. On doit dépasser nos organisations en silos. »
Guillaume Quercy a-t-il les épaules pour relever ces différents défis ? Il peut, en tout cas, se targuer d’une incontestable expérience des réseaux de l’action sociale et de l’aide à domicile. C’est aussi un fin connaisseur du handicap. Une thématique qu’il a maintes fois portée dans sa vie professionnelle. Avant de devenir directeur de la MDPH de Seine-et-Marne, il a créé, dans le même département, un service pour la vie autonome. Ce dispositif, imaginé avec le concours de la Mutualité française, est destiné à financer les aides techniques, les aménagements de véhicule ou de logement des personnes. L’approche « domicile » du handicap, en quelque sorte. « Le handicap, c’est l’humanité elle-même, pense Guillaume Quercy. Chacun d’entre nous, sur cette planète, a ses propres limites, quelque chose qui ne va pas. On doit pouvoir collectivement faire une place à chaque individu. Et être solidaire pour modérer les difficultés au quotidien. » La question du handicap, là encore, progresse doucement depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il sait devoir composer avec. « On doit faire mieux, avec un environnement pas toujours favorable pour trouver des solutions pour les personnes handicapées et leurs parents. Et l’UNA est un acteur de ce travail, en partenariat étroit avec des structures comme l’APF [Association des paralysés de France] ou Handéo. » Handéo, cette association qu’il a rejointe de 2012 à 2014 pour piloter la création d’un Observatoire national des aides humaines, dont l’objectif est d’apporter un savoir collectif pour mieux agir auprès des personnes en situation de handicap.
Le parcours de ce diplômé en management des risques et des assurances de l’entreprise, titulaire d’un master en protection sociale, est un croisement permanent entre des activités bénévoles et salariées, autour des questions de solidarité. Après avoir quitté l’Uriopss Ile-de-France en mai 2017, il a pris la direction des activités de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA). Un nouveau champ de la solidarité, qui convoque des valeurs dont il se sent proche. « On y retrouve des enjeux de ce qui fait l’humanité, explique-t-il. Mon modèle n’est pas celui de l’homme qui, quand il veut, peut, mais plutôt celui d’un être social au fonctionnement complexe qui intervient dans un environnement. Dans les phénomènes d’addiction, on retrouve cette complexité. »
Guillaume Quercy est engagé aussi sur le terrain politique. Ses convictions de gauche le conduisent, en 2008, trois ans après l’échec du projet de Constitution sur l’Union européenne, à claquer la porte du Parti socialiste. Et à rejoindre le Front de gauche. C’est à cette époque qu’il est élu conseiller municipal à Nanteuil-lès-Meaux. Quatre ans plus tard, il se présente aux législatives dans la 6e circonscription de Seine-et-Marne, contre Jean-François Copé (ex-UMP). « Une campagne formidable, faite avec beaucoup de sérieux »,se souvient-il avec enthousiasme. En quelques semaines, il a frappé à près de 5 000 portes. « C’est fascinant : dans un temps très court, on perçoit la masse de l’opinion et les écarts entre les représentations des uns et des autres. » Cet engagement a pu faire grincer des dents, notamment lorsqu’il était directeur de l’Uriopss. « Il y a eu des interrogations de certains administrateurs, considérant qu’il pouvait y avoir confusion entre son engagement politique et son engagement associatif, notamment lorsqu’il défendait des positions auprès des pouvoirs publics, glisse Maryse Lépée. Ce qui compte, ce n’est pas la couleur du parti, mais bien l’engagement auprès des plus démunis. »
Enthousiaste mais pas pétri d’ambitions personnelles, Guillaume Quercy ne s’est pas représenté aux municipales de 2014, ni n’a cherché à poursuivre l’aventure aux législatives de 2017. Entre temps, il a quitté la Seine-et-Marne pour la capitale et ne rêve plus pour le moment de politique. « A PARIS, on est très vite dans des histoires de lutte de pouvoir et d’ego, qui ont tendance à me rebuter. » Guillaume Quercy fait du ménage dans sa vie politique comme dans sa vie associative. Son prochain objectif : transmettre la présidence de l’Una’dom. « Il faut que j’arrête, parce que dix ans à la tête d’une association, c’est trop ; parce que des personnes sont en situation de prendre la relève, ce qui n’est pas toujours le cas ; et aussi parce que je n’ai plus le temps. Et que j’ai besoin de faire les choses sérieusement. » Guillaume Quercy carbure à l’exigence.
• 1996 Membre de l’UNA
• 2001-2012 Directeur adjoint puis directeur de la MDPH de Seine-et-Marne
• 2008 Président d’Una’dom, élu à la mairie de Nanteuil-lès-Meaux
• 2014-2017 Directeur de l’Uriopss Ile-de-France
• 2016 Président de l’UNA
(1) Union régionale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux.