Vingt-six associations ont saisi, le 18 décembre, le défenseur des droits, à propos de l’instruction du gouvernement prévoyant le déploiement d’équipes mobiles composées d’agents des préfectures et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, chargées de contrôler la situation administrative des étrangers accueillis dans les centres d’hébergement d’urgence (CHU)(1). Leur demande vise aussi une instruction publiée quelques jours plus tôt, relative à l’évolution du parc d’hébergement des demandeurs d’asile(2).
Les associations, emmenées par la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS), demandent à Jacques Toubon d’« intervenir auprès du gouvernement afin que ces instructions portant gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes étrangères hébergées dans les centres ne soient pas mises à exécution ». Elles estiment que le dispositif imaginé par le ministère de l’Intérieur « détourne l’hébergement d’urgence et les lieux d’accueil gérés par les associations de leur finalité et les utilisent pour mettre en œuvre la politique de gestion des flux migratoires », indique le texte de la saisine, que les ASH ont pu consulter.
Le déploiement d’agents de l’Etat au sein des CHU aurait ainsi pour effet de remettre « fondamentalement en cause des principes socle de l’action et de l’aide sociale », au premier rang desquels le principe d’inconditionnalité de l’accueil. Autre crainte du secteur associatif : le recensement des étrangers hébergés impliquerait « une participation active des associations » par la transmission aux agents de l’Etat des informations à caractère personnel préjudiciables aux personnes qu’elles accueillent. Or, souligne la saisine, les intervenants sociaux sont soumis à une obligation de confidentialité et, pour beaucoup d’entre eux, au secret professionnel.
Cette saisine a des chances d’aboutir : le défenseur des droits n’a de cesse, depuis plusieurs mois, de critiquer la politique migratoire du gouvernement. Le 18 décembre, il déplorait encore dans un communiqué une « déshumanisation croissante du droit des étrangers » et réclamait « un véritable changement de cap pour penser une politique d’accueil et d’hospitalité véritablement humaine ». De son côté, le gouvernement s’emploie à désamorcer la polémique. Interrogé sur RTL le 20 décembre, le Premier ministre, Edouard Philippe, a assuré que l’objectif du gouvernement « n’est pas d’identifier un étranger qui aurait vocation à être expulsé » mais d’« identifier un étranger qui s’est vu octroyer le droit d’asile et qui n’a rien à faire dans un centre d’hébergement d’urgence ».
A noter que, parallèlement à cette saisine du défenseur des droits, les associations envisagent de saisir la justice administrative afin d’obtenir l’annulation des instructions litigieuses. D’ici là, la FAS doit publier des recommandations à destination des gestionnaires de CHU pour leur demander de ne pas collaborer avec les services de l’Etat.