Pour signer un bail dans le parc locatif privé, il vaut mieux s’appeler Petit que Mehdaoui. C’est ce qu’il ressort d’une étude de la Fédération de recherche CNRS « travail, emploi et politiques publiques »(1), publiée le 15 décembre, qui révèle qu’un candidat à la location portant un nom d’origine maghrébine a 26,7 % moins de chances de voir ses démarches aboutir qu’un candidat au nom francophone. L’étude repose sur un testing réalisé à l’échelle nationale, sur les cinquante plus grandes aires urbaines de France métropolitaine, et couvre un large spectre de motifs de discriminations : l’âge, l’origine, le lieu de résidence, le statut de fonctionnaire et leurs combinaisons. Entre juin et décembre 2016, les chercheurs ont envoyé des candidatures fictives en réponse à plus de 5 000 annonces de locations dans le parc privé réparties sur l’ensemble du territoire métropolitain.
Il apparaît que les deux candidats « qui signalent une origine franco-française par leur patronyme » ont reçu, respectivement, 14,8 % et 14,85 % de réponses positives à leurs demandes de visite du logement. Les trois candidats signalant par leur patronyme une origine maghrébine ont eu des taux de succès tournant autour de 11 %. Ce taux est encore plus faible s’agissant du candidat dont le patronyme évoque une origine africaine (9,44 %). Ces discriminations sont « très marquées pour les offres qui émanent de particuliers et elles le sont aussi pour les offres diffusées par les agences immobilières », précise le CNRS. Par ailleurs, elles ne sont que faiblement atténuées « lorsque le candidat à la location ajoute un signal de qualité en précisant qu’il est fonctionnaire ». L’âge ou le fait d’habiter un quartier prioritaire de la politique de la ville ne sont pas plus déterminants. Certaines aires géographiques semblent plus touchées que d’autres. C’est à Perpignan, Limoges, Avignon et Nancy que les discriminations sont les plus importantes. Elles sont, en revanche, moins prégnantes à Nice, Paris ou encore Poitiers.
Cette étude du CNRS fait écho à une enquête de perception publiée le 14 décembre par le défenseur des droits portant elle aussi sur les discriminations à l’accès au logement privé, mais aussi social(2). L’enquête a été menée auprès d’un peu plus de 1 200 personnes, 24 % d’entre elles ayant cherché un logement au cours des cinq dernières années. Il apparaît que 46 % des personnes interrogées considèrent que les discriminations dans l’accès au logement sont fréquentes ou très fréquentes. Par ailleurs, 14 % déclarent avoir fait l’objet d’une discrimination dans le cadre de leur recherche. Les expériences de discriminations apparaissent toutefois très contrastées selon les groupes sociaux. Les hommes perçus comme noirs ont ainsi été 40 % à se sentir discriminés, contre 30 % des hommes perçus comme arabes et 5 % des hommes perçus comme blancs et diplômés. Parmi les personnes en situation de handicap, 19 % se sont senties discriminées. Ce chiffre monte à 24 % pour les mères seules avec des enfants de moins de 6 ans.
Le défenseur des droits déplore que, malgré ces données, « les démarches engagées par les personnes ayant déclaré une expérience de discrimination dans la recherche d’un logement à louer pour faire valoir leurs droits restent rares ». Ces procédures étant souvent perçues comme « complexes, voire dissuasives », seules 11 % des personnes ayant déclaré une expérience de discrimination ont engagé une action pour défendre ou faire valoir leurs droits. Pour lutter contre ce phénomène, l’institution publie un dépliant d’information à l’intention des usagers. Au printemps dernier, elle avait déjà diffusé deux guides Louer sans discriminer, l’un à l’attention des bailleurs et, l’autre, des propriétaires privés.
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(2) Disponible sur