Les Français l’ont découvert en 2003, au moment de la canicule. Son physique d’acteur et surtout sa passion et sa fougue à dénoncer les causes de ce drame – l’insuffisance des moyens dédiés à la prise en charge des personnes âgées – ont frappé l’opinion. Omniprésent pendant plusieurs semaines sur les écrans de télévision, Pascal Champvert a acquis le statut de lanceur d’alerte, comme on ne disait pas encore. Mais cette mise en lumière ne lui est pas montée à la tête. « La médiatisation n’était pas un objectif mais un moyen d’alerter sur une situation inacceptable. Je ne suis pas un homme de coup. J’ai fait beaucoup de travail en amont et j’estime avoir une certaine légitimité. » C’est le moins qu’on peut lui reconnaître.
L’apparence en moins, Pascal Champvert est l’Obélix de la cause des personnes âgées : il est tombé dans la marmite quand il était petit… ou presque. Né en 1959 à Saint-Malo, il intègre, dans les années 70, la prestigieuse Ecole de santé publique de Rennes. A sa sortie, il occupe deux postes dans des hôpitaux, mais rapidement une opportunité l’amène à prendre la direction d’un groupe de quatre maisons de retraite à Saint-Maur-des-Fossés, Bonneuil, Sucy et Créteil (Val-de-Marne), l’ensemble constituant un établissement public connu sous le nom de Résidences ABCD.
Passionné par la question sociale et sociétale que pose la prise en charge des personnes âgées, Pascal Champvert a son idée fixe, ou plutôt sa conviction : « A côté du racisme et du sexisme, il y a l’âgisme, c’est-à-dire la discrimination à l’égard des personnes âgées. » Il assume le fait d’être un « militant de la cause “vieux” », précisant : « Cela revient à être militant de toutes les générations et à repenser la représentation du vieillissement dans notre société. Depuis 1950, on a arrêté toute réflexion sur le temps qui passe. Il y a quelque chose de faustien dans cette attitude » Tout le combat de Pascal Champvert est dans cette volonté de « faire reconnaître cette discrimination à l’égard des personnes âgées comme on reconnaît celle à l’égard des homosexuels et des femmes ».
Sa mobilisation de 2003 était l’expression de ce combat. Et cela a payé un peu. Il estime qu’il y a un « avant » et un « après-canicule », qui s’est traduit par l’instauration de la journée de la solidarité et par la création de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Mais, pour Pascal Champvert, on est encore loin du compte car la reconnaissance n’est pas qu’une question d’argent. Le respect et le regard sont plus importants.
En 1987, il a atterri à Saint-Maur. Cela fait donc trente ans qu’il dirige le même établissement, ce qui est exceptionnel dans le milieu médico-social où, en moyenne, un directeur reste en poste quatre ou cinq ans. Mais le plus étonnant est que, après trois décennies, la motivation et la passion restent intactes. Sous son règne, l’établissement a ouvert deux services de maintien à domicile, quatre résidences pour seniors, un centre de formation, un théâtre et deux accueils petite enfance pour faciliter la vie des salariés du groupe. Et un nouvel établissement ouvrira prochainement à Créteil.
En 1989, Pascal Champvert a créé l’Association des directeurs d’établissement d’hébergement pour personnes âgées, qui deviendra quelques années plus tard l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). Un glissement sémantique qui recouvre une évolution conceptuelle : les personnes âgées doivent avoir le choix. Mais pour Pascal Champvert, « contrairement à une idée reçue, le maintien à domicile n’est pas forcément la meilleure solution si elle se traduit par l’isolement et l’enfermement » – comme Les vieux que chantait Jacques Brel, qui regardent « la pendule d’argent qui ronronne au salon, qui dit oui, qui dit non ».
Le président de la République vient de déclarer l’égalité femme-homme grande cause de son quinquennat. Il y a gros à parier que Pascal Champvert aurait aimé que la lutte contre l’âgisme soit élevée à ce rang. Une suggestion pour un autre mandat ?