A la veille de la généralisation de la démarche « Réponse accompagnée pour tous » (RAPT)(1), prévue pour le 1er janvier, l’Ancreai (Association nationale des centres régionaux d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité) publie un rapport(2) qui recense les pratiques développées sur le terrain pour « fluidifier les parcours » des personnes handicapées dont la situation est jugée prioritaire. Depuis fin 2015, 24 départements expérimentent de nouvelles modalités de travail dans le cadre de l’examen des « situations critiques » (jusqu’alors étudiées par des commissions du même nom) et, selon les territoires, de recherche de solutions à des ruptures de parcours, à des problématiques de santé mentale, à des situations particulières d’enfants pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, de jeunes de 16 à 25 ans, etc. Objectif : suivre les recommandations faites en 2014 dans le rapport « Zéro sans solution » de la mission « Piveteau »(3).
L’Ancreai organise la remontée de ces expériences depuis 2016. Ce sont des « dizaines de dispositifs et pratiques innovantes extrêmement hétérogènes sur les objectifs et les publics visés, les modalités pratiques mises en œuvre, les ressources mobilisées ou encore sur leur dimensionnement » qui ont été étudiés. Pour les auteurs, cela témoigne d’abord « de la richesse des expériences conduites localement et, d’une façon plus globale, d’une “mise en mouvement” du secteur médico-social ».
Plus concrètement, cette analyse fait ressortir quelques traits communs des expériences menées qui, selon l’Ancreai, constituent « de bonnes pratiques à diffuser ». Ainsi, la grande majorité s’est appuyée sur une démarche de « coconstruction » de l’évaluation et de la réponse avec l’usager et/ou sa famille et souvent les aidants familiaux, au plus grand bénéfice des usagers qui parlent, dans leurs témoignages, de « valorisation de l’image de soi, [de] développement de la confiance en soi, [de] renforcement de l’autonomie… ».
Selon l’Ancreai, « plusieurs expériences insistent [également] sur la nécessité de construire l’accompagnement à partir d’une évaluation fine » et pluridisciplinaire. Il ne s’agit plus, précise-t-elle, « d’envisager les solutions à l’aune des catégories d’établissements et de services existants, mais bien à partir d’un repérage précis » des besoins (en matière de protection et de sécurisation), des attentes et souhaits exprimés par la personne et son entourage, mais aussi des compétences. Cette méthode d’évaluation aboutit logiquement à des « solutions modulaires, des admissions progressives, des accueils séquentiels, etc. », qui rendent nécessaire un décloisonnement des services.
Autre enseignement de l’étude, l’implication de l’ensemble des acteurs amenés à intervenir dans l’accompagnement, leur coordination, leur bonne communication, leur dynamique de partage, leur interconnaissance sont des facteurs fondamentaux pour limiter les risques d’échec dans la mise en œuvre de la solution. Mais, insiste l’Ancreai, cela ne fonctionne que si ces collaborations changent d’échelle, que les acteurs quittent la notion de réseau pour adopter la notion de dispositif intégré (autour du parcours de l’usager pour la recherche de réponses personnalisées).
Parmi les facteurs qui favorisent la mise en place des pratiques innovantes, l’Ancreai signale les dérogations (d’âge, de durée d’accompagnement, de taux d’encadrement…) et financements complémentaires qui permettent d’assouplir les transitions entre deux types de réponses, la proximité des intervenants ou encore la possibilité de recourir à de l’expertise. En miroir, le rapport identifie des freins : la lente déconstruction des habitudes – à la fois des acteurs et des usagers – nécessaire aux changements de pratique, les barrières réglementaires qui empêchent la souplesse ou encore la structuration en « tuyaux d’orgue » des acteurs de l’intervention.
Cet ensemble d’enseignements, concluent les auteurs, doit aider à la « nécessaire modélisation » des pratiques et à une certaine « modalisation », c’est-à-dire une évaluation conduite à travers le point de vue de chaque partie prenante, professionnels, usagers et aidants. « Tout reste (ou presque) à inventer et à expérimenter concernant l’évaluation de ces dispositifs. »
(1) Voir le dossier juridique de ce numéro, « Une réponse accompagnée pour tous », p. 41.
(2) Lien abrégé :