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Les députés durcissent les conditions de placement en rétention des « dublinés »

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L’Assemblée nationale a adopté, dans la nuit du 7 au 8 décembre, une proposition de loi « permettant une bonne application du régime d’asile européen ». Issue d’une proposition déposée par les élus du groupe UDI, Agir et Indépendants (ex-« Constructifs »), cette loi fait suite à un arrêt rendu au mois de septembre par la Cour de cassation(1). Celle-ci avait jugé illégal le placement en rétention des « dublinés », ces étrangers dont la demande d’asile relève de la compétence de l’Etat par lequel ils sont entrés sur le territoire de l’Union européenne. En effet, le règlement européen du 26 juin 2013, dit « Dublin III », conditionne le placement en rétention des demandeurs d’asile en attente de transfert à un risque de fuite, cette notion devant être appréciée sur la base de critères objectifs définis par la loi. Or, la loi française ne pose pas de tels critères.

Une définition large du risque de fuite

Initialement, le gouvernement prévoyait d’intégrer ces critères au futur projet de loi « immigration », qui doit être présenté en conseil des ministres dans les prochaines semaines, mais dont l’adoption ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois. En conséquence, l’initiative législative du groupe UDI lui permettra de gagner un temps précieux, alors que le ministre de l’Intérieur souhaite amplifier le nombre de reconduites à la frontière, plaçant dans son collimateur, notamment, les « dublinés ». Récemment, il a signé une instruction fixant aux préfets des objectifs en ce sens(2).

Le texte adopté fixe une liste de onze critères, très larges, qui permettent de caractériser un « risque non négligeable de fuite ». L’étranger pourra, par exemple, être placé en rétention administrative s’il « s’est précédemment soustrait, dans un autre Etat membre, à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à l’exécution d’une décision de transfert ». Idem s’il est de nouveau présent sur le territoire français après l’exécution effective d’une mesure de transfert, ou encore s’il s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement.

Une rétention avant toute décision d’éloignement

L’appréciation du risque de fuite se fera « sur la base d’une évaluation individuelle, prenant en compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé, et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel ». Autre nouveauté de taille : la rétention pourra intervenir dès le début de la procédure de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile. Actuellement, la législation prévoit, au contraire, que ce placement ne peut pas intervenir avant la notification de la décision de transfert, une fois que l’Etat responsable a été identifié.

« Un tournant politique déplorable », selon Jacques Toubon

Cette proposition de loi a fait réagir avant même son adoption par l’Assemblée nationale. Le défenseur des droits a dénoncé « un tournant politique déplorable » en matière de « respect des droits et des libertés fondamentales ». Ce serait, selon Jacques Toubon, « la première fois que la France décide de mettre en œuvre dans sa législation les mesures les plus restrictives du règlement européen en matière de libertés individuelles et de droits fondamentaux des demandeurs d’asile ». La Cimade regrette également une proposition de loi « téléguidée par le gouvernement pour enfermer massivement les demandeurs d’asile ». Elle s’inquiète de la mise en place d’un système permettant un enfermement « préventif ». Forum réfugiés/Cosi partage cette position. L’association déplore une mesure qui reviendra « à modifier la nature même de la rétention administrative des étrangers en France, qui serait désormais applicable à des personnes qui ne sont soumises à aucune décision d’éloignement ». Le texte n’a pas encore été inscrit à l’ordre du jour du Sénat.

Notes

(1) Voir ASH n° 3028 du 6-10-17, p. 43.

(2) Voir ASH n° 3037 du 8-12-17, p. 37.

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