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EHPAD : la réforme tarifaire est inégale, selon un rapport parlementaire

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Malgré un « consensus non démenti depuis l’origine », la réforme de la tarification des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) pose de « nombreuses difficultés concrètes de mise en œuvre […] au point de conduire à sa non-application par certains départements ». Tel est le constat fait par les députées Agnès Firmin Le Bodo (UDI, Agir et Indépendants) et Charlotte Lecocq (LREM) dans un rapport d’information(1) sur l’application de la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite loi « ASV ». Présenté devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 5 décembre, ce rapport s’attarde notamment sur les conditions de mise en œuvre de la nouvelle tarification des EHPAD, autant de « paramètres à corriger pour atteindre l’objectif d’équité » de la réforme, expliquent les rapporteures. Ces dernières proposent plusieurs « pistes de réflexion concrètes » à cette fin.

Une application complexe

Selon le rapport, « l’objectif de simplification visé par la réforme est contredit » par le contenu « particulièrement complexe » du décret du 21 décembre 2016 fixant les nouvelles règles tarifaires, budgétaires et comptables des EHPAD(2) ainsi que par sa publication tardive, qui a donné « peu de temps aux acteurs pour se préparer à la réforme ».

En outre, la mise en œuvre de la réforme a engendré de nombreux déséquilibres qui n’étaient « ni souhaités […] ni anticipés », en particulier entre les secteurs public et privé. Le principe de convergence tarifaire a en effet conduit à des transferts financiers « massifs et imprévus », souligne le rapport. Beaucoup d’établissements voient leur forfait dépendance diminuer sensiblement – majoritairement des EHPAD publics. Parmi les établissements en convergence négative sur ce forfait dépendance, nombreux le sont également sur le forfait soins.

Les rapporteures constatent également que « les EHPAD ne font pas face aux mêmes contraintes et obligations selon leur statut », en matière de :

→ conventions collectives du personnel, qui induisent des écarts de coût de la masse salariale – laquelle couvre 90 % des dépenses de la section dépendance, souligne le rapport ;

→ profils de résidents, les EHPAD publics accueillant en moyenne davantage de résidents aux faibles ressources et bénéficiant de l’aide sociale à l’hébergement.

Afin de compenser les transferts financiers entre EHPAD, certains d’entre eux sont amenés à augmenter leurs tarifs hébergement, observent les députées. Or cette augmentation a un « impact sur le reste à charge des usagers mais également sur la qualité de la prise en charge, puisque la section hébergement ne peut pas financer des emplois d’aide-soignant », expliquent-elles encore.

Autre constat : des EHPAD doivent diminuer leurs effectifs, ce qui entraîne une diminution du taux d’encadrement et ainsi la dégradation de la qualité de la prise en charge.

Le rapport note enfin que « l’ampleur des transferts entre établissements a amené les départements à se positionner de façon variée » par rapport à l’application de la réforme. Si certains l’ont appliquée – « avec difficulté » –, d’autres ont interrompu sa mise en oeuvre après avoir constaté « les difficultés importantes causées aux établissements ». D’autres encore n’ont appliqué en 2017 « que les convergences positives », aux dépens de leur propre situation financières, ou n’ont simplement pas appliqué la réforme.

Les pistes avancées

Afin de « préserver le principe de la réforme tout en garantissant une application simple et équitable dans les établissements », Agnès Firmin Le Bodo et Charlotte Lecocq proposent en premier lieu d’appliquer un moratoire d’un an à la convergence des forfaits dépendance. Ce temps de suspension aurait pour objectif « [d’]évaluer précisément les transferts, [d’]apprécier leurs conséquences et [de] définir les ajustements nécessaires, le cas échéant par voie d’amendement parlementaire ».

Autre piste de réflexion avancée : impliquer leParlement dans la réforme de la tarification en l’associant aux travaux du comité de suivi mis en place par la direction générale de la cohésion sociale(3).

Soulignant que « les difficultés soulevées par l’application de la nouvelle tarification ont été fréquemment associées […] à l’enjeu de la gestion des ressources humaines en EHPAD », les rapporteures jugent indispensable de lier le sujet des moyens financiers accordés aux EHPAD à celui de la revalorisation des carrières dans ces établissements. Et ce, à partir de trois leviers :

→ l’amélioration des conditions de travail ;

→ l’actualisation des formations éligibles ;

→ le renforcement de l’attractivité des carrières.

Enfin, constatant que la tarification des EHPAD est « complexe et difficile à maîtriser » (coexistence de trois forfaits, de deux autorités de tarification…), le rapport souligne la nécessité de simplifier les négociations tarifaires des EHPAD en faisant du département « l’interlocuteur unique des établissements ». Et d’ajouter que « cette réforme s’inscrirait en cohérence avec l’identification du département comme chef de file en matière de dépendance ».

Les autres volets de la loi « ASV » à promouvoir

Agnès Firmin Le Bodo et Charlotte Lecocq ont aussi formulé des propositions ayant « vocation à ouvrir le débat sans tarder davantage » sur deux autres volets de la politique d’autonomie, à savoir le maintien à domicile et la conférence des financeurs. Elles ont identifié trois axes d’amélioration pour « encourager le bien vieillir au domicile ». Selon les rapporteures, il est tout d’abord nécessaire de garantir aux proches aidants leur droit au répit. Elles estiment aussi opportun de donner un cadre juridique au baluchonnage ou « relayage » afin de permettre sa généralisation. Enfin, constatant que le « potentiel d’accompagnement, d’emploi et de solidarité que recouvre l’accueil familial reste largement sous-exploitée », elles proposent de promouvoir davantage l’accueil familial, mais aussi de fixer une limite d’âge à l’agrément des accueillants familiaux pour parer aux difficultés des départements sur ce point. S’agissant de la conférence des financeurs, les députées constatent notamment que ce « levier fondamental d’intégration des politiques de prévention » doit pouvoir offrir un cadre de financements prévisibles aux acteurs du secteur. Elles préconisent donc la mise en place de conventions triennales entre la conférence des financeurs et les porteurs de projets, visant à sécuriser les crédits engagés.

Notes

(1) Disponible sur http://bit.ly/2BcaFm4.

(2) Voir ASH n° 2990 du 30-12-16, p. 34.

(3) Voir ASH n° 3027 du 29-09-17, p. 12.

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