L’objectif du centre Mineurs sans frontières est que les jeunes y prennent connaissance de tous les droits auxquels ils peuvent prétendre et de les aider à y accéder, face à des administrations françaises très complexes. C’est un centre de jour, financé exclusivement par MSF, mais dans lequel nous allons collaborer avec des associations déjà ancrées dans le terrain. Pour nous, c’est un changement d’habitudes.
A ceux qui ne sont dans aucun dispositif de droit commun et qui, par conséquent, sont les plus vulnérables. Ce sont les primo-arrivants et les jeunes qui ont été déboutés dans le cadre de leur demande de reconnaissance de minorité. Mais aussi ceux qui sont en transit, c’est-à-dire pour lesquels Paris, voire la France, n’est qu’une étape vers une autre destination et qui, finalement, sont en situation irrégulière. Tous vivent dans la rue.
Aujourd’hui, personne n’a de chiffre. Ils sont invisibles dans les statistiques. Grâce à ce centre, nous espérons consolider des données sur leur nombre, des données juridiques, des données en santé somatique et mentale qui nous permettront de produire des rapports et un important plaidoyer.
Il y aura quatre pôles. Un pôle juridique porté essentiellement par la permanence associative « accompagnement et défense des jeunes isolés étrangers » (Adjie), des avocats, mais aussi par l’association Safe passage, spécialisée dans la constitution des dossiers de réunification familiale. Un pôle « santé somatique » où les jeunes bénéficieront avec MSF d’un bilan de santé et d’un accompagnement pour obtenir l’aide médicale d’Etat. Nous travaillerons sur ce volet avec les permanences d’accès aux soins de santé. Au pôle « santé mentale », les jeunes se feront expliquer dans un premier temps ce qu’est un problème psychologique, afin de les amener, petit à petit, à parler de ce qu’ils ont vécu. Les suivis de moyen ou long terme seront effectués par des partenaires comme le Comede, le centre Primo-Levi et l’hôpital Avicenne. Enfin, il y a le pôle « vie sociale », qui permettra de suivre des cours de français, d’avoir des activités sportives, de visiter des musées, etc. Cela va s’organiser avec nombre d’associations et de collectifs.
Ce n’est pas la vocation de ce centre de premier accueil, qui recevra chaque jour 50 nouveaux jeunes repérés en maraude par nos partenaires. Nous accompagnerons les primo-arrivants vers les dispositifs d’évaluation des mineurs isolés étrangers (DEMIE) où nous veillerons à ce qu’ils n’en soient pas refoulés, ce qui leur assurera un hébergement. Cela dit, avec un taux de dossiers déboutés de 85 % à Paris, il y a des risques pour qu’ils reviennent vers nous – et, là, sans hébergement. Nous sommes en train de construire une solution. La procédure d’appel dure de 1 à 14 mois. Pendant ce temps, les déboutés n’ont droit à rien. Notre objectif est de les prendre en charge durant la période de lancement de la procédure – environ 3 semaines – puis de les envoyer dans des familles d’accueil en province. Nous devrions récupérer un hôtel où des équipes MSF accompagneront 32 jeunes, jour et nuit. Parallèlement, nous développons une plateforme d’hébergement citoyen, en nous appuyant sur les associations locales qui œuvrent déjà en ce sens. Mais, à terme, nous plaidons pour qu’un jeune faisant appel bénéficie d’une « présomption de minorité » et ne soit plus traité, comme aujourd’hui, « à charge ». C’est à l’Etat de faire en sorte que ces jeunes soient sous la protection de l’aide sociale à l’enfance.
C’est très compliqué. Il faut d’ailleurs parler des jeunes en transit mais aussi des jeunes déboutés qui ne feront pas appel. Qu’ils soient mineurs ou tout juste majeurs, on ne peut plus faire comme s’ils n’avaient pas besoin d’aide. Nous tentons de convaincre les pouvoirs publics d’élargir les dispositifs de prise en charge à ces jeunes très vulnérables. Cela fait partie des sujets de négociation avec les autorités locales. Cela va prendre du temps.