« Sous [les] coups [des hommes], sous leurs abus, une femme meurt tous les trois jours en France », a rappelé Emmanuel Macron, lors de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, organisée le 25 novembre. Face à ce constat alarmant, il entend faire de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la grande cause du quinquennat. A cette occasion, le président de la République a présenté un plan d’action dont les trois axes « éduquer, accompagner, réprimer » font écho aux problématiques mises en lumière par un manifeste du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes du 23 novembre(1).
« Notre société tout entière […] est malade du sexisme », a déploré Emmanuel Macron. Afin de « changer en profondeur les mentalités », il faut, selon lui, « construire le plus tôt possible une éducation combattant fermement les représentations du rapport entre les hommes et les femmes exacerbant le rapport de domination ». Cette éducation à l’égalité doit commencer dès le plus jeune âge, a-t-il souligné. A cet effet, des formations pour les professionnels de la petite enfance et les professeurs des écoles seront mises en place « afin de lutter contre les stéréotypes, y compris chez des enfants de bas âge ». En effet, « la crèche n’est pas qu’un lieu de garde ; c’est un lieu où l’on se construit, où l’on apprend à être, où les premières relations non verbales se tressent et où les représentations qui sont données dès ce stade auront des conséquences dans le futur », a indiqué Emmanuel Macron.
L’éducation à l’égalité ne se limitant pas aux plus jeunes, un grand plan de formation initiale et continue sera déployé, dès 2018, dans le secteur public, avec une attention particulière portée sur la formation continue, a assuré le président de la République. En outre, afin de sensibiliser l’ensemble de cette société à cette grande cause nationale, Emmanuel Macron a annoncé le lancement d’une grande campagne de communication nationale et locale sur le modèle de celle menée pour la sécurité routière.
Le chef de l’Etat souhaite également lutter contre le cyberharcèlement et la pornographie « qui fait de la sexualité un théâtre d’humiliation et de violences faites à des femmes ». Pour ce faire, les personnels de l’Education nationale, les personnels sociaux et de santé, présents dans les établissements, et les personnels des services périscolaires doivent se former à décrypter, expliquer et prévenir, a-t-il indiqué. Une opération de sensibilisation des parents sera également lancée à l’occasion de la prochaine réunion de rentrée afin d’aider les parents à mieux détecter l’exposition de leurs enfants à la pornographie et à mieux repérer les signes de cyberharcèlement.
Par ailleurs, pour « mener le combat culturel visant à diffuser la culture de l’égalité », le pouvoir de régulation du Conseil supérieur de l’audiovisuel sera étendu à l’ensemble des contenus audiovisuels « qui peuvent fragiliser, faire basculer ou conduire à la violence, en particulier contre les femmes ».
« Sur les 225 000 femmes victimes de violences en 2016, moins d’une sur cinq a déposé plainte [et] plus de la moitié n’a fait aucune démarche auprès d’un professionnel ou d’une association. » Afin de les inciter à porter plainte, Emmanuel Macron a décrété la mise en place, dès le début de l’année prochaine, d’un signalement en ligne pour les victimes de violences, de harcèlements et de discriminations. Disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ce signalement prendra la forme d’une discussion interactive et instantanée avec des policiers formés. Il évitera à la victime de se déplacer et lui permettra, de chez elle, d’être accompagnée dans ses démarches et d’être orientée vers les commissariats ainsi que vers les associations qui peuvent lui venir en aide, a-t-il expliqué.
Les victimes de violences sexuelles pourront également déposer plainte, « hors les murs du commissariat », dans les centres d’accueil des femmes victimes de violences. A cet effet, une « coopération renforcée avec les forces de police et de gendarmerie » devra se mettre en place, a indiqué le président de la République.
En outre, les professionnels de santé devront être formés pour repérer les femmes victimes de violences et faciliter leurs parcours. A cet effet, dans les mois qui viennent, à titre pilote, dix unités spécialisées dans la prise en charge globale psycho-traumatique des victimes seront créées dans des centres hospitaliers, a affirmé le chef de l’Etat. Sera également mis en place dans les unités médico-judiciaires, un système de recueil des preuves sans dépôt de plainte, afin de faciliter les démarches des victimes.
« Les femmes doivent avoir toute leur place dans la société et celle-ci inclut l’espace public », a souligné Emmanuel Macron. Afin d’éradiquer le harcèlement de rue, il souhaite que soit mis en place un « délit d’outrage sexiste », qui pourra être constaté et sanctionné par la police de sécurité quotidienne(2).
En outre, le délai de prescription pour les délits et crimes sexuels commis sur les mineurs sera rallongé à 30 ans, au lieu de 20 actuellement, a-t-il rappelé.
Enfin, concernant la question du consentement des mineurs lors d’actes sexuels, une « règle claire » de présomption de non-consentement, au-dessous d’un certain âge, sera fixée par le législateur. A titre personnel, Emmanuel Macron s’est dit favorable à ce que cette limite soit instaurée à 15 ans, âge de la majorité sexuelle.
Pour mener à bien l’ensemble de ces actions, le président de la République a annoncé une hausse de 13 % du budget alloué à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, « sanctuarisé sur toute la durée du quinquennat ».
En outre, le budget interministériel dédié à l’égalité entre les femmes et les hommes devrait lui aussi être augmenté pour atteindre un peu plus de 420 millions d’euros dès 2018.
(1) Manifeste disponible sur
(2) Sur ce dernier point, voir ASH n° 3031 du 27-10-17, p. 10.