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« Logement d’abord : quel préalable ? »

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Julien Damon. Professeur associé à Sciences-Po, conseiller scientifique de l’Ecole nationale supérieure de sécurité sociale

En matière de logement, l’heure est à la diète et à la bronca. Les locataires modestes et les associations qui les défendent s’indignent de la réduction de leurs allocations. Les propriétaires aisés s’estiment floués avec le recentrage sur l’immobilier de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune). Mis brutalement au régime sec, le secteur du logement social se braque. Le président de la République et le gouvernement font fort ! Ils soutiennent par ailleurs, au sujet des sans-abri et du mal-logement, un plan « Logement d’abord ». De quoi s’agit-il ? Probablement pas d’une interprétation particulière et clientéliste de la fameuse chanson de Georges Brassens Les copains d’abord. Certainement pas, non plus, d’une interprétation explicite de la célèbre injonction de Charles Maurras « Politique d’abord ». Le théoricien réactionnaire du nationalisme intégral plaçait la politique en premier, « dans l’ordre du temps, nullement dans l’ordre de la dignité ». Le slogan « logement d’abord », traduction de « housing first », procède d’autres sources. Mais l’idée consiste bien à placer le logement en priorité, à la fois dans le temps (il faut loger rapidement) et dans la dignité (il faut un habitat de qualité).

La proposition, mûrie en France depuis une dizaine d’années, comprend essentiellement une nouvelle stratégie pour les SDF. Emmanuel Macron et ses ministres veulent faire prévaloir l’accès immédiat à un logement stable par rapport aux passages répétés par des services d’hébergement. Adaptant des expériences d’autres pays (Etats-Unis, Irlande, Danemark), la démarche concerne deux publics. Pour la plupart des personnes et ménages sans domicile, des logements stables se révèlent plus appropriés et moins coûteux que l’accueil dans des hôtels et des centres d’hébergement onéreux. La politique « Logement d’abord » se dirige aussi vers des sans-abri en plus grande difficulté. Des programmes pilotes « Un chez-soi d’abord », menés dans quatre villes (Lille, Marseille, Paris et Toulouse), apportent des solutions innovantes pour l’accès au logement et aux soins de SDF souffrant de troubles psychiques.

Des expérimentations ont donc montré que loger directement, sans passer par les cases hébergement d’urgence et hébergement d’insertion, des personnes parfois très abîmées par la rue leur est tout à fait profitable. Tout comme l’opération s’avère très profitable en termes de dépenses publiques. L’orientation « Logement d’abord » a en premier lieu une rationalité économique, afin d’en finir avec l’augmentation continuelle des crédits consacrés à l’hébergement. L’idée force est double : sortir les SDF et mal-logés des nasses dans lesquelles ils sont piégés, et sortir les politiques de leurs impasses budgétaires. Le secteur associatif et le Mouvement HLM ont, à l’origine, accueilli favorablement la formule. Malins, leurs communicants ont tout de même rétorqué qu’il fallait d’abord du logement. En un mot, il faudrait davantage construire, ce qui va aussi dans le sens des promoteurs et constructeurs.

La grande question n’est peut-être pas là. Elle consiste plutôt à répondre à une interpellation capitale : le logement social d’abord, pour qui ? Développées, en particulier depuis l’après-guerre, pour des classes moyennes salariées, les HLM accueillent de plus en plus de défavorisés dans un parc paupérisé. Jusqu’où aller ? Avec quels produits immobiliers ? Avec quels moyens financiers ? Comment conserver une certaine mixité sociale ? Traiter ces interrogations fondamentales est certainement le grand préalable à une stratégie « logement d’abord ».

Il faut souhaiter que les éclats de voix et les coups de menton autour des annonces récentes de réformes permettent, en se calmant, de trancher ces questions qui traînent depuis de nombreuses années. Le rabot des aides personnalisées au logement, la charge contre les organismes HLM et le virage de l’ISF ne tiennent pas lieu de réponses.

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