En tête du cortège, un « père Macron » tout de rouge vêtu, avec un masque à l’effigie du président, distribue des paquets cadeaux siglés « SIB » (Social Impact Bonds, « contrats à impact social ») à un manifestant agenouillé par terre, qui brandit une banderole « Etudiant en galère ». « Je vous mets en concurrence, je fais des appels à projets, que le plus rentable gagne ! », déclame le « père Macron », sous les huées. Professionnels de la protection de l’enfance, du médico-social, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), de l’éducation nationale, étudiants… Ils étaient entre 350 et 1 000, suivant les estimations de la police et des organisateurs, à défiler lundi 20 novembre à Paris.
D’autres mobilisations ont eu lieu à Angers, Nantes, Metz, Nancy, Poitiers, Tours, Nice, Toulouse, Montpellier, en Seine-et-Marne… énumère Nicolas Guez, secrétaire fédéral de SUD Santé-sociaux. L’ensemble des travailleurs sociaux étaient appelés à la grève. En Ile-de-France, le mouvement était porté par les acteurs des Etats généraux alternatifs du travail social (EGATS), le collectif Avenir Educs et des fédérations des syndicats FSU (SUAS-FP, SNPES-PJJ, Snuter) et SUD (collectivités territoriales, santé-sociaux).
A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, il s’agissait de prolonger les actions lancées ces derniers mois dans plusieurs départements, en particulier dans la protection de l’enfance(1). Un champ largement représenté à la manifestation parisienne, sous des pancartes « ASE, attentat social à l’enfance », ou encore « Non à la protection de l’enfance low cost ». Joëlle et Alexandra sont venues avec une vingtaine de collègues d’un service d’aide sociale à l’enfance francilien. Elles déplorent des « restrictions budgétaires », un « turn-over important », des arrêts maladie qui se multiplient, des services de pédopsychiatrie qui n’ont « pas assez de places pour suivre les jeunes qui en ont besoin »… « On ne peut plus protéger correctement les enfants », résument-elles. Un peu plus loin, Aline, éducatrice spécialisée, accompagnée de deux collègues d’un institut médico-éducatif (IME) de Seine-Saint-Denis, explique qu’elle manifeste pour « défendre les usagers » et « les statuts des professionnels » face au manque de moyens et aux « regroupements d’associations dans une logique marchande ».
Autant de préoccupations que l’on retrouve dans les revendications des organisateurs : « refus des recours aux appels à projets par les collectivités territoriales afin de financer les associations », « reconnaissance immédiate au niveau licence a minima des diplômes d’Etat validés par trois années de formation », « reclassement en catégorie A type » des travailleurs sociaux de la fonction publique actuellement en catégorie B… L’objectif était de montrer que le mouvement des travailleurs sociaux « ne lâche pas » face à la « politique libérale » du gouvernement, commente Nathalie Andrieux-Hennequin, secrétaire nationale du SNUAS-FP/FSU (Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique).
Alors que les organisateurs avaient demandé « à plusieurs reprises » qu’une délégation soit reçue au ministère des Solidarités et de la Santé, ils se sont vu opposer « une fin de non-recevoir », a déploré Carlos Lopez, secrétaire national du SNPES-PJJ/FSU (Syndicat national des personnels de l’éducation et du social), se montrant peu surpris : « C’est une attitude assez générale de la part des administrations et des ministères, sous ce gouvernement. »
Une assemblée générale a eu lieu juste après la manifestation. La perspective d’une mobilisation en janvier ou février se dessine, a poursuivi le secrétaire national. L’idée serait d’agir autour de la remise de la feuille de route du haut commissaire à l’économie sociale et solidaire (ESS) et à l’innovation sociale, Christophe Itier, initialement prévue pour la fin 2017(2). Cette fois, les manifestants des différentes régions pourraient converger à Paris, à l’appel d’un éventail plus large de syndicats.