Au terme d’un long procès pour diffamation, marqué par plusieurs reports d’audience depuis janvier dernier, le tribunal correctionnel de Toulouse a relaxé Céline Boussié, le 21 novembre. Cette ancienne aide médico-psychologique de la Maison d’enfants de Moussaron, qui préside par ailleurs l’association Handi’gnez-vous, était poursuivie pour des propos tenus sur Europe 1 et LCI en février et mars 2015. Elle avait voulu alerter sur les conditions d’accueil des enfants et jeunes adultes polyhandicapés dans cet institut médico-éducatif (IME) indépendant, sous statut privé à but lucratif, situé à Condom (Gers).
Cette structure avait déjà fait l’objet d’autres dénonciations. En 1997, un ancien salarié a été condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir décrit des situations de maltraitance à l’IME. Fin 2013, l’agence régionale de santé (ARS) Midi-Pyrénées a constaté, dans un rapport d’inspection, de « graves dysfonctionnements » concernant les locaux, les équipements et aussi le fonctionnement (surveillance de nuit, contentions, soins infirmiers et circuit du médicament) de la structure, employant même l’expression de « maltraitance institutionnelle ». L’IME avait fait l’objet d’un reportage télévisé montrant des enfants attachés ou enfermés, lavés en groupe, couchés dans des lits trop petits… A la suite de sa diffusion sur M6, en janvier 2014, le gouvernement d’alors avait annoncé un renforcement des contrôles dans les établissements pour enfants handicapés(1). Lors du procès de Céline Boussié, des extraits de ce reportage ont été diffusés le 19 septembre dernier. « Trait pour trait, c’est ce que je voyais » en 2013, a assuré la lanceuse d’alerte, avant de dénoncer « l’enfermement d’une jeune fille pendant dix jours » et « des coups portés aux enfants ».
« Me relaxer, c’est reconnaître ce qu’ont souffert ces enfants pendant vingt ans » ; « ce combat est un combat pour l’humain », a commenté l’ancienne salariée en sortant de la salle d’audience, entourée par des membres de son comité de soutien. Elle a décrit ce jugement comme « un message d’espoir magnifique pour les travailleurs sociaux, pour les lanceurs et lanceuses d’alerte ». « Parlez, bon sang, libérez la parole. Il faut le faire car ne pas le faire, c’est au détriment des personnes fragiles et vulnérables », a-t-elle ajouté. Wendy Bouchard, journaliste à Europe 1, qui était visée par la même procédure, a elle aussi été relaxée. A l’heure où nous écrivions ces lignes, l’établissement n’avait pas encore précisé s’il ferait appel.