Le défenseur des droits dresse un bilan du suivi des recommandations faites par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU(1), il y a deux ans, dans un rapport annuel rendu public le 20 novembre(2).
En dépit des évolutions positives du cadre juridique et du lancement de différents plans ou stratégies nationales, tels que le plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants(3), le défenseur des droits déplore un déséquilibre entre les droits énoncés par les textes législatifs et réglementaires et les droits effectivement réalisés pour les enfants.
Le défenseur des droits est particulièrement inquiet quant aux récentes annonces du gouvernement sur la question des mineurs non accompagnés(4). La volonté du gouvernement de confier à l’Etat l’accueil d’urgence et l’évaluation de l’âge de ces jeunes, jusqu’à ce que leur minorité soit confirmée, est un véritable transfert de compétences du département à l’Etat qui tendrait « à [les] considérer d’abord comme des étrangers avant d’être des enfants à protéger », s’alarme Jacques Toubon.
Les acteurs de terrain constatent également, unanimement, une dégradation de l’état de santé physique et psychique des mineurs non accompagnés, indique le défenseur des droits. En plus des violences, de la maltraitance dont ils ont été victimes lors de leur trajet, les mineurs non accompagnés sont particulièrement exposés à leur arrivée en France à de nombreux dangers (prostitution, traite des êtres humains, pratiques à risque, addictions…) du fait de leur isolement et de leur jeune âge. En outre, malgré l’annulation de l’arrêté municipal de Calais interdisant la distribution de repas et d’eau, le défenseur des droits a constaté la persistance d’une atteinte aux droits fondamentaux des mineurs non accompagnés. Il « exhorte les pouvoirs publics nationaux et locaux à améliorer [leurs] conditions d’existence […] et en particulier à leur assurer un accès inconditionnel aux biens de première nécessité et aux soins ».
La situation des mineurs étrangers vivant dans des bidonvilles est particulièrement alarmante, soulève Jacques Toubon. Leurs conditions de vie difficiles (absence de système de collecte de déchets, d’électricité, d’eau potable…) conduisent à dégrader leur état de santé, indique-t-il. En effet, « sur le plan de la santé, les expulsions de bidonvilles peuvent emporter des conséquences dramatiques en rompant les parcours de soins engagés par les ménages et leurs accompagnants, qu’ils soient associatifs, institutionnels ou individuels ». La répétition des expulsions maintient les occupants de bidonville dans une forme d’errance permanente qui ne laisse guère de place à la mise en œuvre de réelles actions de prévention et de suivi médical, précise-t-il.
Par ailleurs, l’accès à la santé est également préoccupant dans les territoires d’outre-mer et particulièrement à Mayotte et en Guyane, indique le rapport. Seuls 35 % des enfants de cinq ans avaient bénéficié pour l’année scolaire 2011-2012 d’un bilan médical complet, souligne-t-il. « La médecine préventive en milieu scolaire à Mayotte [est également] dans l’impasse. » Autres données alarmantes : en Guyane, le taux de mortalité infantile était de 8,8 pour 1 000 naissances en 2013 contre 3,3 en métropole, indique le défenseur des droits. En outre, à Mayotte, une grande partie des mineurs ne sont pas affiliés à la sécurité sociale, malgré la gratuité des soins à l’hôpital, ajoute-t-il.
En raison d’un manque de professionnels compétents en établissement ou service médico-social (dont notamment les services d’éducation spéciale et de soins à domicile, les centres d’action médico-sociale précoce et les centres médico-psycho-pédagogiques), ou d’une surcharge de travail des praticiens disponibles, les familles doivent se rendre chez des praticiens exerçant en libéral en dehors de ces structures. Les frais ne sont alors pas assumés par les structures mais par l’assurance maladie, précise le défenseur des droits. Or « il semble que certaines caisses d’assurance maladie refusent d’accorder cette prise en charge, considérant que les budgets des structures permettent d’assumer cette dépense ». Face à ce reste à charge, les familles « se trouvent face à un dilemme : assumer ces frais, ou, en cas de difficultés, réduire le nombre de séances […], voire interrompre ces soins complémentaires, au risque de remettre en cause l’ensemble du projet thérapeutique de l’enfant », déplore Jacques Toubon. Ainsi, afin d’éviter le renoncement aux soins, le défenseur des droits recommande à la ministre des Solidarités et de la Santé d’assurer la prise en charge intégrale des frais afférents au suivi médical des enfants handicapés, y compris lorsqu’il est effectué en externe au service ou à la structure d’accueil.
« En France, l’état de santé de la population, et notamment des enfants, tend depuis plusieurs décennies à s’améliorer. » « Ces progrès sont cependant relativisés par des inégalités sociales persistantes, voire qui s’accroissent, et qui se doublent d’inégalités territoriales dans le champ de la santé », tempère le défenseur des droits.
Les inégalités sociales de santé surgissent dès le plus jeune âge et ont des conséquences non seulement immédiates, mais aussi sur la durée et la qualité de vie des personnes devenues adultes, souligne-t-il. La priorité doit être donnée à la prévention avec des objectifs fixés, indique le rapport. A cet effet, « il sera essentiel de se doter d’un calendrier et d’indicateurs précis d’évaluation des incidences de la prévention sur la santé des personnes, en particulier des enfants », estime le défenseur des droits. Or les services de protection maternelle et infantile, la pédopsychiatrie et la médecine scolaire manquent de moyens, regrette Jacques Toubon. « Ce manque de moyens s’avère particulièrement délétère sur les territoires déjà marqués par le faible niveau de ressources de ses habitants et/ou dotés de structures et personnels de santé moins nombreux », précise-t-il.
« L’éducation à la sexualité participe à l’apprentissage de l’égalité des sexualités, du respect des orientations sexuelles et des identités de genre et à la lutte contre les préjugés sexistes ou homophobes. Elle constitue donc un levier de lutte contre les discriminations », indique le défenseur des droits. Or, bien que prévue par la loi, il constate qu’elle n’est pas suffisamment mise en œuvre. Le rapport préconise de s’appuyer davantage sur les enfants et les adolescents, d’associer les parents, de mieux former les professionnels et d’améliorer les compétences des intervenants.
En outre, une attention particulière doit également être portée aux phénomènes de prostitution occasionnelle qui semblent augmenter chez les jeunes, indique le rapport. A cet effet, le défenseur des droits encourage les pouvoirs publics « à engager des démarches visant à renforcer la connaissance de ce phénomène, à prévenir ces situations, à mettre en place les actions adaptées et améliorer la protection et l’accompagnement des jeunes concernés ».
(2) Disponible sur