La Meurthe-et-Moselle a été précurseur, en 2016, avec le réseau Jeunes à la maison (JAM). Aujourd’hui, plusieurs départements, dont le Nord, la Loire-Atlantique et le Bas-Rhin, lui ont emboîté le pas en lançant un appel aux familles volontaires pour accueillir dans leur foyer, à titre bénévole, des mineurs non accompagnés (MNA). Développé dans le cadre de la mission de protection de l’enfance(1), le dispositif est encore expérimental, et c’est certainement pourquoi tous les départements ne communiquent pas sur son avancée. Jérôme Jumel, directeur général de la solidarité au conseil de Loire-Atlantique, évoque « une trentaine de familles » engagées dans le processus. Dans le Bas-Rhin, l’expérience a commencé début novembre « avec une dizaine de familles », témoigne Barbara Cligny, directrice adjointe de la mission « enfance et famille » au conseil départemental. Au lancement de ces expériences, des syndicats de travailleurs sociaux, estimant que les collectivités se désengageaient de leurs responsabilités, avaient fait savoir leur désapprobation.
Si l’appel à des familles volontaires correspond à une augmentation du nombre de MNA sur le territoire français et à leur répartition dans des départements qui n’étaient pas habitués à en recevoir en quantité, cette forme d’accueil familial permet surtout, vu le faible volume attendu de places, d’élargir la palette des solutions et d’aller vers davantage de sur-mesure. « Nous réservons cette formule à des jeunes très autonomes ou qui ne seraient pas à leur place dans un foyer, avec une vie en collectivité », précise Jérôme Jumel. Le Bas-Rhin, lui, a choisi de destiner ce nouvel accueil à des moins de 16 ans, leur donnant accès à une ambiance familiale. Sont écartés les jeunes qui ont de lourds problèmes de comportement ou de santé, et ceux qui ne sont pas scolarisés. Du côté des familles, il faut parfois dissiper un malentendu : « Certaines ont pu imaginer qu’elles allaient loger un enfant, par exemple un jeune fuyant les horreurs commises par Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique], alors que nous cherchons un toit pour de grands adolescents de tous les pays en crise », remarque le directeur de la solidarité. Ainsi, des familles abandonnent le projet après une première réunion d’informations générales…
Les départements expérimentateurs semblent avoir adopté le même processus de recrutement : la famille doit fournir un extrait de casier judiciaire et une lettre de motivation, puis une assistante sociale procède à une évaluation auprès des membres de la famille et vérifie les conditions de logement. La famille est indemnisée pour les frais d’entretien (environ 15 € par jour en Meurthe-et-Moselle). Le partage des rôles entre le département et la famille se veut très clair : le jeune reste sous la responsabilité de la collectivité, la famille endosse un rôle de repères et de soutien. Cet « accueil citoyen » a aussi un objectif d’intégration dans le tissu local et l’ensemble de la société. « Le dispositif s’avère chronophage pour les équipes sociales, qui accompagnent le jeune, sont disponibles pour les familles et doivent faire face à des situations inédites. Mais il permet aux jeunes comme aux travailleurs sociaux de faire de très belles rencontres avec des citoyens très investis », analyse Jérôme Jumel. Le département de Loire-Atlantique tire un bilan positif de cette forme d’accueil, au point qu’il envisage de l’ouvrir à d’autres publics de la protection de l’enfance.
(1) Le décret n° 2016-1352 du 10 octobre 2016 relatif à l’accueil durable et bénévole d’un enfant par un tiers rend possible cet appel au bénévolat dans le cadre de la protection de l’enfance.