Le XVIe en lutte des classes

Pour leur nouvelle enquête, les sociologues Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon se sont associés pour la seconde fois(1) au dessinateur de BD Etienne Lécroart. Une enquête qui porte sur l’accueil que les habitants du XVI^e arrondissement de Paris ont réservé au centre d’hébergement d’urgence temporaire installé depuis novembre 2016 en bordure du bois de Boulogne. Malgré leur retraite, les deux chercheurs – déjà auteurs de La violence des riches(2) – poursuivent en effet leurs activités afin de dévoiler toujours plus avant la persistance des rapports de classes et les stratégies mises en œuvre, selon eux, par les plus riches pour garantir le maintien de leur domination sociale. Le résultat est un ouvrage très accessible, rythmé par des vignettes qui mettent en scène tant les deux sociologues que les populations qu’ils décrivent. Depuis la très médiatisée réunion d’annonce du projet jusqu’à l’installation des premiers résidents, les auteurs décortiquent les faits, interrogent les protagonistes, objectivent le rapport au territoire et observent les comportements sur un ton volontiers politique. « Dans notre société, on tente toujours de masquer les rapports de classes, explique Monique Pinçon-Charlot. A la télé, à la radio, on ne vous parle pas de travailleurs exploités. Les travailleurs, désormais, ce sont des coûts et des charges, et les capitalistes, des créateurs de richesses et d’emplois. Mais cette société des très riches demeure la seule classe en soi et pour soi parfaitement mobilisée sur tous les fronts pour la défense de ses intérêts. » En l’occurrence, pour ne pas avoir de pauvres à sa porte, ne pas voir son bien immobilier potentiellement déprécié, ne pas avoir d’étrangers à la cause dans sa proximité… Et si le centre a bien été construit et fonctionne normalement aujourd’hui, il n’en demeure pas moins temporaire, comme si, écrivent-ils, « la misère faisait vivre dans l’immédiateté et l’opulence dans l’éternité ».