« S’il existe un consensus général sur la qualité de la réforme [de la protection juridique des majeurs du 5 mars 2007], qui a constitué un indéniable progrès sur le plan des droits des majeurs protégés, sa mise en œuvre appelle néanmoins des questions », a indiqué la garde des Sceaux lors des assises nationales de la protection juridique des majeurs, le 8 novembre.
« L’allongement de la durée de la vie et l’accroissement de la population âgée de plus de 80 ans vont avoir un impact très important sur le nombre de mesures prononcées dans les années à venir. » Or « les mandataires judiciaires à la protection des majeurs sont déjà surchargés de travail », a souligné Nicole Belloubet. C’est dans ce contexte qu’elle souhaite promouvoir l’habilitation familiale. Créée par une ordonnance du 15 octobre 2015, cette mesure permet à un proche de représenter la personne pour certains actes précis réalisés en son nom ou de manière générale, en allégeant les formalités pesant sur les familles(1). Plus de 5 000 demandes ont été formulées en 2016, a rappelé la ministre de la Justice.
Autre mesure à développer : le mandat de protection future. Ce dispositif, qui permet d’anticiper la volonté du futur majeur protégé, n’a « pas eu le succès escompté », a souligné Nicole Belloubet. En effet, seuls 5 000 mandats ont été mis en œuvre depuis 2009. Convaincue de l’intérêt d’une telle mesure, la ministre souhaite améliorer les différentes modalités de publicité des mesures de protection, dont le registre spécial introduit par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement(2).
Le contrôle des comptes de gestion n’est pas assez effectif ni uniforme sur le territoire, a regretté la garde des Sceaux. Afin de le rendre efficient, un référentiel sur l’éthique et la déontologie des mandataires à la protection des majeurs est en cours d’élaboration en lien avec le ministère des Solidarités et de la Santé, a-t-elle indiqué. Les propositions qui se dégageront de ce groupe de travail ne doivent pas « faire peser pour autant un nouveau coût financier sur les personnes les plus vulnérables », a-t-elle ajouté.
Dernière piste d’amélioration proposée par la ministre : garantir l’autonomie de la volonté des personnes protégées. Dans la lignée des interpellations du défenseur des droits(3) et de la rapporteure spéciale de l’organisation des Nations unies, Nicole Belloubet déplore le manque de « graduation » des mesures de tutelle prononcées par le juge. « 99 % des tutelles prononcées sont des mesures générales s’appliquant tant aux biens qu’à la personne ». « Or la décision judiciaire devrait être adaptée à chaque situation individuelle, en précisant l’étendue de l’intervention du juge, en indiquant si le majeur doit être assisté ou représenté et en détaillant, dans les deux cas, les actes concernés ». Ces pratiques limitent l’exercice des droits fondamentaux des majeurs protégés, tels que le droit de vote et le droit au mariage. Une réflexion doit donc être menée sur « l’opportunité de mettre en place une mesure judiciaire unique, prononcée par un juge de la protection des majeurs recentré sur sa mission de garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux », a déclaré la garde des Sceaux. A cet effet, un groupe de travail sera mis en place « très rapidement » afin de « remettre à plat l’architecture des régimes de protection des majeurs », a précisé la ministre.