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Evénements indésirables : instaurer une culture du signalement

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La gestion des risques est devenue une préoccupation majeure des ESSMS. Le signalement des événements indésirables y contribue à part entière. Mais la sous-déclaration est une réalité à laquelle se heurtent encore les établissements.

Chercher des solutions, non des coupables. Ce principe de la « culture positive de l’erreur » est fondateur pour mettre en place une pratique du signalement des événements indésirables (EI) dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

Mais que faut-il entendre exactement par « événement indésirable » ? Il s’agit d’un accident, incident, risque d’accident ou dysfonctionnement qui survient au sein de l’établissement ou du service et qui révèle un défaut dans l’organisation ou dans le fonctionnement, entraînant ou non des conséquences dommageables pour les résidents, les familles, les visiteurs, les personnels, les biens. En 2003, l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) – aujourd’hui Haute Autorité de santé (HAS) – a listé plusieurs types d’événements indésirables : « les dysfonctionnements (non-conformité, anomalies, défauts), les incidents, les événements sentinelles, les précurseurs, les presque accidents, les accidents ». Si le secteur sanitaire a gagné en maturité dans ce volet de la gestion des risques, le secteur social et médico-social n’a, quant à lui, pas encore bien intégré cette culture du signalement des EI dans ses pratiques professionnelles. Les freins et les résistances sont nombreux : confusion entre erreur et faute, peur de la sanction, déficit de connaissance des procédures de signalement et de déclaration des événements indésirables…

Instaurer un climat de confiance

« Le signalement des EI contribue fortement à renforcer la culture de la sécurité et l’amélioration de la qualité de l’accompagnement et des soins apportés aux résidents. Toutefois, si la finalité est mal comprise, on peut très vite aboutir à l’utilisation perverse de la procédure à des fins de règlements de comptes entre collègues ou entre le personnel et la direction », avertit Philippe Guilloux, directeur de l’EHPAD Casteran, à Saint-Pierre-des-Nids (Mayenne). Pour éviter ces dérapages et instaurer un climat de confiance, l’établissement a adopté « une charte non punitive d’incitation au signalement des événements » afin de garantir « une gestion bienveillante et hors mesure disciplinaire à tout signalant ayant informé avoir commis une erreur ». Dans ce document, Philippe Guilloux s’engage « à ce que l’établissement n’entame pas de procédure disciplinaire à l’encontre d’un membre du personnel qui aura spontanément et sans délai révélé un manquement aux règles de sécurité dans lequel il est impliqué et dont l’établissement n’aurait pas eu connaissance autrement, quel que soit le domaine ». Le directeur de l’EHPAD précise toutefois que « ce principe ne peut s’appliquer en cas de manquement délibéré ou répété aux règles de sécurité. La charte non punitive n’est pas un blanc-seing pour faire n’importe quoi ».

Assurer des retours d’information

Au sein de l’EHPAD La Bastide, à Beauchalot (Haute-Garonne), Sylvie Lacoste-Mans, la directrice, se satisfait d’une adhésion assez rapide du personnel à la procédure du signalement des EI. « Le souci de l’établissement est d’améliorer la visibilité des événements indésirables afin d’entretenir la conscience des risques liés à notre activité d’hébergement ou de soin et d’apporter les mesures correctives lorsqu’elles s’avèrent nécessaires. Des fiches d’événements indésirables ont été mises en place, dès 2013, au moment de l’ouverture de l’établissement. Ce document permet d’identifier, d’analyser et de traiter les risques liés à l’activité de l’établissement et ainsi d’évaluer les risques et d’anticiper les événements indésirables. Notre établissement est équipé d’un logiciel pour déclarer, analyser et suivre ces événements. La gestion informatisée favorise le développement d’une culture de suivi des protocoles », explique-t-elle.

La résidence a également mis en place une cellule « qualité des risques », qui reprend chaque trimestre les événements indésirables, analyse leur gravité et leur fréquence et les plans d’actions correctives. « Les retours d’information à la suite des signalements doivent être gérés efficacement car ils représentent une des sources principales d’amélioration des pratiques pour les professionnels », ajoute Sylvie Lacoste-Mans. Ces retours permettent de passer de la culture de la faute à celle de l’apprentissage par l’erreur.

Toutefois, instaurer une culture du signalement des EI dans un ESSMS nécessite un apprentissage à long terme. « Rien n’est acquis, reconnaît la directrice de La Bastide. Avec le temps, ça se délite. Il faut faire des piqûres de rappel, notamment pour les nouveaux arrivants au sein du personnel. »

« Depuis 2011, l’établissement a mis en place un système de signalement des événements indésirables, visant à repérer les risques de dysfonctionnement les plus fréquents au sein de l’institution. Après deux ou trois ans de dynamique intéressante, le processus est aujourd’hui au ralenti », témoigne la directrice d’une maison d’accueil spécialisée du sud de la France. « Même si les fiches d’événements indésirables existent toujours, elles sont très peu utilisées et pas exploitées comme nous le souhaiterions. Entre-temps, nous avons développé d’autres projets et le cadre porteur de cette dynamique a vu ses missions s’élargir. Nous nous étions inspirés de ce qui existe dans le sanitaire, mais la taille de notre établissement étant plus modeste, il est difficile de calquer exactement les mêmes processus. Nous avons prévu, en 2018, de remettre à plat ce que nous avions mis en place, avec peut-être des prétentions revues à la baisse et l’acquisition d’un logiciel d’analyse des fiches d’événements indésirables. »

La déclaration obligatoire aux autorités

La loi du 28 décembre 2015 sur l’adaptation de la société au vieillissement a créé pour les établissements sociaux et médico-sociaux une obligation d’information de l’administration compétente – selon le cas, ARS, préfet, DDCSPP, président du conseil départemental – en cas d’incident grave (code de l’action sociale et des familles, art. L. 331-8-1). L’arrêté du 28 décembre 2016 précise la nature des dysfonctionnements graves et des événements dont les autorités administratives doivent être informées. Le directeur de l’établissement ou le responsable de la structure est tenu de procéder à ce signalement « sans délai et par tout moyen ».

Témoignage : Eric Zolla Directeur général adjoint du CESAP, à Paris

« Le Comité d’études, d’éducation et de soins auprès des personnes polyhandicapées (CESAP), association gestionnaire de 28 établissements sociaux et médico-sociaux en Ile-de-France, a mis en place une procédure de remontée systématique des événements indésirables dès 2009. La gestion des risques est un outil stratégique du projet associatif du CESAP. Au niveau des directions d’établissements, il y a encore une distinction entre les “nouveaux” directeurs, titulaires d’un master ou d’un CAFDES, qui sont familiarisés à cette culture du signalement, et certains “anciens”, beaucoup plus frileux à faire remonter les événements indésirables. Certes, ils les traitent et mettent en place des actions correctrices, mais ne les signalent pas forcément au siège. Au niveau du personnel dans les établissements, qu’il s’agisse des aides médico-psychologiques, des psychologues, des éducateurs, des assistantes sociales, il existe encore une peur du “flicage”, de la culpabilité devant l’erreur. On est encore dans une culture de la faute, et donc de la crainte de la sanction. A la suite de signalements, les retours d’expériences permettent au personnel de comprendre les mesures qui sont issues de l’analyse et du traitement des événements indésirables. Il faut au minimum cinq ans pour que cette procédure du signalement entre dans les habitudes professionnelles. Quand il n’y a pas de maturité institutionnelle à l’égard de la gestion des risques et du signalement des événements indésirables, il existe un risque de rumeurs, de dysfonctionnements, de règlements de comptes entre salariés. De manière générale, le secteur social et médico-social n’est pas encore assez bien informé de la nécessité et du bien-fondé de ces signalements. Pour les directeurs d’établissements, il existe encore une frilosité à déclarer les événements indésirables graves aux agences régionales de santé. Que vont-elles faire de ces informations ? Quelles seront les répercussions pour l’établissement ? Il y a encore des fantasmes et des craintes sur les risques d’inspection, ou d’une remise en cause de l’autorisation pour l’établissement, ou encore que la déclaration d’événement indésirable soit un handicap lors de candidatures sur des appels à projets.

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