L’expérimentation de Bobigny s’inscrit dans l’un des trois axes du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017, coordonné par la Mildeca et dont l’enjeu est la lutte contre la délinquance liée à la consommation de substances psychoactives. Elle repose aussi sur le constat, opéré en 2013 lors de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive, de la nécessité de renforcer, dans une logique d’individualisation des peines, les liens entre secteurs judiciaire et médico-social pour mieux prendre en charge les auteurs d’infractions en lien avec une addiction. C’est après avoir observé au Canada les tribunaux de traitement de la toxicomanie, reconnus efficaces pour la réduction de la récidive, que la Mildeca a souhaité lancer un dispositif pilote de suivi intensif des publics les plus difficiles. Le choix a été fait de le développer en milieu ouvert – et non en résidentiel comme au Canada – pour faciliter le retour à la vie courante. Construit dans un contexte de concertation, impliquant la Fédération Addiction, la fédération des associations socio-judiciaires Citoyens et Justice, les ministères de la Santé et de la Justice, le projet est encadré par quatre instances : un comité de pilotage, un comité opérationnel, un comité de suivi et un comité scientifique. La dimension « recherche » est importante.
Au fil du temps, L’Ouvrage a su évoluer. « Le programme initial a complètement été revisité en lien avec les besoins repérés chez le public grâce aux outils d’évaluation », remarque Agathe Bouillet, directrice du CSAPA Clemenceau. Jugé accorder trop de place à la dimension culturelle par le biais des associations, le projet a aussi « été recentré sur le médico-social et les dimensions criminologique et d’insertion », pointe Fanny Huboux, chargée de mission « justice » à la Mildeca.
Du côté de la justice, les entretiens avec les juges d’application des peines prévus initialement en bureau ont été déplacés en salle d’audience, dont la solennité s’est révélée mieux indiquée pour l’entretien motivationnel. Quant à l’entrée dans le programme, elle a été ouverte à de nouvelles mesures : SME, contrainte pénale, aménagement de peine. Enfin, alors qu’il était initialement établi à Aubervilliers dans des locaux spécifiques, le dispositif a déménagé en février dernier à Gagny, au CSAPA Clemenceau, ce qui permet à l’équipe de s’appuyer sur son infrastructure et ses moyens. « Nous avions constaté le besoin d’avoir un cadre très important pour cette population par définition transgressive en permanence », poursuit Fanny Huboux. L’équipe, réduite à 2,5 équivalents temps plein, se sentait isolée et certains ateliers étaient difficiles à mener. Ce déplacement a offert une nouvelle dynamique au programme et a aussi permis d’en réduire considérablement le coût.