En prélude à la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (du 13 au 19 novembre), le président de l’Association des paralysés de France (APF), Alain Rochon, a dressé un « constat amer » à ce sujet, lors d’une conférence de presse. Le nombre de personnes handicapées inscrites à Pôle emploi a encore augmenté de 1,9 % en 2017, pour atteindre 495 000, souligne l’association dans un dossier de presse. Le taux de chômage des personnes handicapées est de 19 %, deux fois celui de l’ensemble de la population. Les handicapés demandeurs d’emploi le sont depuis 26 mois en moyenne, contre 20 mois dans la population générale.
Certes, les derniers chiffres du chômage(1) laissent espérer une « embellie ». Mais, selon Alain Rochon, « le malheur est qu’elle ne nous concerne pas véritablement », car les chômeurs de longue durée « voient plutôt leur situation stagner ou se détériorer légèrement ». De fait, le taux d’emploi des personnes handicapées a peu progressé ces dernières années, s’établissant à un peu plus de 3 % dans le privé et 5 % dans le public, tandis que la loi fixe un objectif de 6 % aux employeurs. Dès lors, « l’APF est ouverte à un dépoussiérage des dispositifs actuels, qui ne donnent pas les résultats escomptés », a assuré Alain Rochon. Mais elle pose des conditions.
Lors du comité interministériel du handicap (CIH) du 20 septembre dernier, le gouvernement avait promis de « réduire l’écart entre le taux de chômage des personnes handicapées et celui des personnes valides » d’ici à 2022. Il avait tracé quelques pistes comme « simplifier l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés en l’intégrant dans la déclaration sociale nominative » ou « accueillir au moins 6 % d’apprentis en situation de handicap dans le secteur public ». Puis, le 23 octobre, il a confié à Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), une mission sur la sécurisation de l’emploi des personnes handicapées et de leurs aidants, dont les conclusions sont attendues en mars(2). Tout en saluant ces annonces, l’APF les juge trop parcellaires. Elle réclame « un plan global de lutte contre le chômage » des personnes handicapées, « la fixation d’un objectif chiffré » de réduction du taux de chômage et « la définition d’une méthode partagée » avec les associations.
Dans l’immédiat, l’association tempête contre plusieurs récentes « annonces brutales et non concertées » de l’exécutif. A commencer par la diminution drastique du financement des contrats aidés, qui ont pourtant été, jusqu’à présent, « l’un des principaux vecteurs de recrutement des personnes handicapées », a pointé Véronique Bustreel, conseillère nationale « travail, emploi, formation et ressources » de l’APF.
S’agissant des entreprises adaptées, l’association s’élève contre la baisse de 4 % du montant moyen des aides au poste, programmée dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2018(3). « Plusieurs centaines d’entreprises adaptées », dont celles de l’APF, « sont menacées », s’est alarmé Alain Rochon.
Quant aux ordonnances sur le droit du travail publiées le 23 septembre, « il en ressort très peu de choses pour les personnes handicapées », hormis l’encouragement du télétravail, a-t-il pointé. « Ce n’est pas forcément une mauvaise idée, mais il faut que les personnes disposent de matériel et d’une formation, et faire en sorte qu’elles ne se trouvent pas isolées » en maintenant « des points de rencontre » avec leurs collègues, a exposé le président de l’APF.
Au chapitre des points positifs, Véronique Bustreel a cité le dispositif d’emploi accompagné créé par la loi « travail » de 2016. Les agences régionales de santé (ARS) ont lancé leurs appels d’offres, avec des résultats attendus en novembre. Le gouvernement a reconduit en 2018 les crédits finançant le dispositif, ce qui doit permettre d’accompagner environ 1 500 parcours sur une année, a relevé la conseillère. Tout en avertissant que cela reste peu, comparé par exemple aux 26 000 personnes handicapées qui travaillent en entreprise adaptée.
L’APF espère, par ailleurs, que les personnes handicapées bénéficieront du plan du gouvernement en faveur de la formation professionnelle, qui sera doté de 15 milliards d’euros d’ici à 2022. Il faudra s’assurer de la mise en place de centres de formation accessibles et de formations adaptées aux personnes handicapées – et faire en sorte que celles-ci comptent parmi les formateurs qui seront recrutés, a également commenté Alain Rochon.
La conférence de presse de l’APF a également été l’occasion de présenter plusieurs actions en faveur de l’emploi dans son propre réseau. L’association s’apprête en effet à mettre en ligne « L’emploi et moi », une collection de courtes vidéos pour guider les personnes handicapées dans leurs démarches. Parallèlement, elle déploie des « plateformes “emploi” » (au nombre de sept pour l’instant), qui proposent un accompagnement sur mesure à près d’une centaine de jeunes par an (détermination du projet, stages, immersion en entreprise, formation…). Enfin, localement, on peut également rencontrer des initiatives telles qu’Apfinity, une plateforme numérique d’accompagnement vers l’emploi lancée en 2015 dans le Gard et l’Hérault.