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Hommages à une éducatrice spécialisée tuée au travail

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« Cette nouvelle mort, injuste et prématurée, vient cruellement rappeler la violence d’une société où les travailleurs sociaux sont en première ligne pour accueillir les demandes d’aide, mais aussi les désespoirs, les colères, les violences, verbales ou physiques. […] Plus jamais ça ! » Par ces mots, le collectif Avenir Educs a salué la mémoire de Marina Fuseau, 39 ans, poignardée le 28 octobre sur son lieu de travail, la résidence Cécile et Marie-Anne. Situé dans le centre de Poitiers, ce petit établissement d’accueil mère-enfant est géré par l’Association diocésaine famille-santé (Adifas) Poitou. La suspecte, une jeune femme de 20 ans, y était hébergée. Rapidement arrêtée, elle a été mise en examen le 30 octobre pour « homicide volontaire avec préméditation » et placée en détention.

« Etat confusionnel de plus en plus grave »

Une dizaine de jours auparavant, le parquet avait reçu un signalement du « danger d’ordre éducatif » dans lequel « pouvait se trouver le petit garçon de cette femme », âgé de 16 mois. La jeune mère « se repliait de plus en plus sur elle-même », « était dans un état confusionnel de plus en plus grave » et « refusait tout soin », a expliqué le procureur de la République, Michel Garrandaux, lors d’une conférence de presse, le 30 octobre. Le parquet a lui-même saisi le juge des enfants afin qu’il évalue la situation ; puis, le 26 octobre, à l’issue d’une réunion, l’équipe éducative du lieu d’accueil a annoncé à la mère sa convocation chez le juge, lui précisant que le retrait de l’enfant pouvait lui être imposé si elle ne suivait pas les soins. « Quand elle a réalisé que son enfant pouvait être retiré, a rapporté le procureur, elle a imaginé de « tous les tuer », car elle avait le sentiment que tout le monde se liguait contre elle ». Elle aurait décidé de commencer par Marina Fuseau, envers laquelle elle aurait eu le plus de griefs, et aurait profité de sa permanence, le samedi matin suivant, pour l’attaquer à son arrivée.

Une dizaine de jours après les faits, la résidence était toujours fermée. Les trois familles accueillies ont été transférées vers d’autres structures et le personnel était en arrêt maladie, a rapporté France 3. « Nous avons besoin, dans la Vienne, d’avoir des places d’accueil mère-enfant, a déclaré à cette chaîne de télévision Bruno Belin, président (Les Républicains) du conseil départemental de la Vienne. L’association s’interroge sur le lieu où cela va pouvoir se faire [ailleurs] à Poitiers. On sera à leurs côtés pour qu’il y ait un avenir à cette association. » Une cellule d’assistance psychologique a été mise en place.

« Notre parole doit être écoutée »

Même si cet événement a suscité peu d’écho médiatique ou politique à l’échelle nationale, il ravive les interrogations sur la sécurité de l’exercice des travailleurs sociaux. « Nos observations sur l’évolution de la société vers toujours plus de violence ne peuvent pas ne pas être entendues, notre parole ne pas être écoutée, une parole d’autant plus importante qu’elle relaie souvent [celle] des plus faibles, des plus démunis, des exclus », plaide Avenir Educs dans son communiqué. Le collectif souligne que ce drame survient deux ans et demi après le meurtre de Jacques Gasztowtt. Cet éducateur spécialisé de 49 ans avait été poignardé en mars 2015 dans les bureaux du service social de protection de l’enfance de Nantes. Il avait tenté de s’interposer alors qu’un homme agressait son ancienne compagne (voir ASH n° 2903 du 27-03-15, page 15). L’accusé a été condamné, le 21 septembre dernier, à trente ans de réclusion criminelle.

L’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES) a décidé, après débat, de ne pas diffuser de communiqué à la suite du décès de Marina Fuseau. Néanmoins, ses membres, très touchés par cette nouvelle, ont « contribué sur les réseaux sociaux » à la discussion sur ce sujet, a expliqué le président de l’association, Jean-Marie Vauchez, contacté par les ASH. L’organisation est réticente à prendre position sur un drame de ce type, en raison du risque de « stigmatisation » de l’origine de la suspecte – de nationalité guinéenne – et de celle des personnes souffrant de troubles psychiques. Cela dit, « ce drame hors norme met en lumière des choses qui ne vont pas » et « souligne un manque de moyens », a poursuivi Jean-Marie Vauchez. Les lieux d’accueil mère-enfant « reçoivent de plus en plus de personnes avec de très graves troubles ». Ces dernières devraient être prises en charge en hôpital psychiatrique : elles requièrent un long travail de diagnostic et des « modalités particulières de prise en charge » qui ne sont pas celles d’une équipe éducative, a analysé le président de l’ONES. Il a par ailleurs souligné que l’équipe de la résidence Cécile et Marie-Anne semblait avoir agi « de façon très professionnelle », en prenant collectivement la décision d’un signalement, puis en annonçant à la mère sa convocation « à l’issue d’une réunion, ce qui évite la personnification » de la décision.

Sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter, nombre de travailleurs sociaux, sans se revendiquer d’une organisation en particulier, ont appelé à un rassemblement en hommage à Marina Fuseau samedi 11 novembre à 15 heures devant l’hôtel de ville de Poitiers.

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