Le Secours catholique a rendu public, le 9 novembre, son rapport sur l’état de la pauvreté en France en 2016(1). Elaboré à partir de 85 165 fiches statistiques renseignées lors des rencontres avec les personnes accueillies par l’association sur le territoire cette année-là, le document montre que les femmes représentent la majorité des adultes concernés. Leur part est quasi stable par rapport à l’an passé : 56,3 %. Selon l’association, cette surreprésentation des femmes s’explique par la forte proportion de mères isolées (40 % des femmes françaises rencontrées), et par l’augmentation plus récente de la proportion de femmes seules, souvent plus âgées, et dont les ressources et pensions de retraite sont faibles. Les familles monoparentales sont très présentes dans les accueils du Secours catholique et représentent trois ménages rencontrés sur dix. La plupart de ces familles sont composées de mères isolées (88 %). Les couples avec enfants représentent quant à eux 24,2 % des ménages ayant fait appel à l’association en 2016, soit une augmentation de 2 points en cinq ans.
Le nombre d’étrangers accueillis a poursuivi sa progression en 2016 pour se fixer à 39 % (+ 3 points par rapport à 2015). Selon le Secours catholique, « cette augmentation régulière traduit la grande fragilité des étrangers en situation de pauvreté extrême ». La part des sans-papiers dans l’ensemble des étrangers rencontrés a doublé ces cinq dernières années, pour se fixer à près de 20 %. La plupart d’entre eux sont originaires d’Afrique subsaharienne, des pays d’Europe de l’Est (hors Union européenne) et d’Asie centrale.
L’étude indique que 68 % des actifs rencontrés par l’association en 2016 sont au chômage, contre 65 % en 2008. Néanmoins, près d’une personne sur cinq accueillies par le Secours catholique travaille, dont un quart en CDI à temps plein. Ainsi, « même avec une situation professionnelle stable, ces personnes continuent d’avoir des conditions de vie précaires », constate l’association. Par ailleurs, 19 % des ménages rencontrés par les équipes ne disposaient d’aucunes ressources.
Parallèlement, les taux de non-recours aux droits et prestations sociales demeurent « extrêmement élevés et préoccupants ». Ces personnes ne demandent pas à bénéficier des aides auxquelles elles peuvent prétendre (« par méconnaissance, par difficulté d’accès à l’administration »), d’autres y renoncent (« par honte et autocensure). Pour ce qui relève du revenu de solidarité active (RSA), 5,3 milliards d’euros ne seraient pas versés à des ayants droit. Le non-recours à la couverture maladie universelle complémentaire et à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé représenterait 800 millions d’euros non versés.
L’enquête montre aussi que les personnes accueillies recherchent avant tout de l’écoute (60 %), puis de l’aide alimentaire (56 %). Selon le Secours catholique, cette tendance révèle « combien l’exclusion est grande et combien les personnes en situation de précarité, en plus de leurs difficultés matérielles, font face à une solitude immense, voire à une mise au ban de notre société ». Le rapport insiste sur le fait que le logement est une dépense majeure des personnes en difficulté : « En l’absence d’aides spécifiques, les ménages rencontrés consacreraient près de la moitié de leurs ressources au paiement de leur loyer ». Or, « ce taux d’effort descend à 16,5 % grâce aux APL [aides personnalisées au logement] ». Cette constatation conduit l’association à s’interroger sur la volonté du gouvernement de remettre à plat ces aides. Elle considère, au contraire, qu’il est « essentiel d’avoir en tête à quel point les APL permettent de diminuer pour les revenus modestes la charge que représentent les loyers ».
Enfin, outre ces éléments statistiques, le rapport vise à déconstruire les préjugés dont sont victimes les personnes en situation de précarité, « qui minent leur confiance en elles, mais aussi la cohésion sociale de notre pays ». Huit idées reçues, comme celle que les étrangers viennent en France pour profiter de la générosité du système social national, sont ainsi passées au crible et détricotées.
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