La commission nationale chargée de l’examen de la mise en œuvre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a remis son premier rapport au ministre de la Cohésion des territoires, le 18 octobre. Les ASH ont pu se procurer une copie de ce document, qui n’a pas encore été rendu public.
Créée par la loi « égalité et citoyenneté » du 27 janvier 2017(1), cette commission a pour mission de formuler au ministre en charge du logement un avis préalable à la signature des arrêtés de carence pris par les préfets à l’encontre des communes ne respectant pas leurs obligations en matière de construction de logement social. De l’examen de ces arrêtés, la commission a tiré trois constats pour la période 2014-2016.
Alors que 387 communes n’avaient pas satisfait à leurs objectifs sur la période 2011-2013, elles étaient 649 entre 2014 à 2016, soit une hausse de 68 %. La commission tempère toutefois ce constat. L’accroissement de la taille des intercommunalités a en effet conduit 130 nouvelles communes à entrer dans le dispositif de la loi « SRU », « sans qu’elles aient pu l’avoir suffisamment anticipé ». Pour d’autres communes, ce retard s’explique par l’accroissement des objectifs de rattrapage ayant découlé de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui a fait passer l’obligation de production de logements sociaux de 20 % à 25 %(2).
Selon le rapport, « les communes ont globalement su se mobiliser » pour répondre à leurs obligations, la production de logement social ayant augmenté de 35 % depuis la période 2011-2013. « Cette tendance tend à prouver encore une fois l’effet catalyseur essentiel du dispositif “SRU” sur la production de logement social dans notre pays », souligne le président de la commission, Thierry Repentin.
Malgré l’augmentation du nombre de communes ne satisfaisant pas à leur obligation, le rapport constate que l’augmentation du nombre de communes proposées à la carence (3) par les préfets est limitée (+ 9 %, soit 233 communes). Seules 36 % des communes en infraction font ainsi l’objet d’un arrêté de carence, contre 56 % au cours de la période 2011-2013. Cette évolution est cependant très différente d’une région à une autre. Alors que le taux francilien est maintenu à 70 %, il connaît des fluctuations à la baisse partout ailleurs, « et parfois de façon très conséquente », comme en PACA où le taux de communes carencées est passé de 81 % à 44 %.
Le dernier constat de la commission porte sur le niveau et la nature des sanctions envisagées à l’encontre des communes proposées à la carence, « qui ne correspondent pas à la totalité de l’éventail à disposition des préfets ». En particulier, alors que la loi du 18 janvier 2013 prévoit la possibilité de majorer le prélèvement « SRU » sur ces communes jusqu’à 400 %, le niveau de majoration envisagé par les préfets n’excède pas 200 % dans 90 % des cas. De la même manière, la reprise par les préfets de la délivrance des autorisations d’urbanisme sur tout ou partie des communes proposées à la carence, possibilité également ouverte par la loi de 2013, ne concernerait que 12 % des communes concernées.
Ces constats ont conduit la commission à saisir les préfets de région afin qu’ils puissent, en concertation avec les préfets de département, reconsidérer leur position quant aux communes à carencer et le niveau des sanctions applicables. Parallèlement, elle formule une série de recommandations à l’intention du ministre.
Si elle lui propose de donner son accord de principe sur la mise en carence des 233 communes proposées par les préfets, elle estime en revanche que celles-ci « devraient toutes se voir appliquer une majoration ». Par ailleurs, les communes carencées au titre du bilan 2011-2013 qui n’ont toujours pas respecté leurs obligations en 2014-2016 « devraient voir leur niveau de majoration augmenter ». Enfin, « la carence devra permettre de garantir la délivrance des permis de construire a minima pour les opérations de logements sociaux, avec la possibilité pour les préfets de reprendre l’instruction au cas par cas ».
La commission recommande également au ministre d’inciter les préfets de département à carencer des communes supplémentaires, très éloignées de leurs objectifs triennaux et à très faible taux de logements sociaux, « sur lesquelles les dynamiques sont manifestement insuffisantes, notamment quand elles sont observées et reconduites sur plusieurs périodes, ou des communes ayant majoritairement développé leur offre de logements sociaux sur les franges les moins sociales du parc ». Une cinquantaine de communes pourraient être concernées, parmi lesquelles Nice, Toulon ou Aix-en-Provence. « Il ne paraît pas possible d’exonérer ces communes de leurs obligations alors que les carences prévues par ailleurs concernent pour l’essentiel des communes de petite taille », estime Thierry Repentin. Ce dernier demande également au ministre que, pour la prochaine période triennale, une grille nationale soit établie en amont de la procédure de carence de manière à « homogénéiser les pratiques ».
(3) Les communes « carencées » sont celles qui n’ont pas satisfait à leur obligation de rattrapage et ont fait l’objet d’un arrêté de carence.