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« Des chantiers prioritaires, avec un fort enjeu humain »

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Transformation des structures médico-sociales, soutien aux aidants, refonte du système d’information des MDPH… Difficile d’énumérer tous les dossiers pilotés ou suivis par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Sa nouvelle directrice, nommée fin septembre pour trois ans, esquisse sa méthode.
Pour quelles raisons avez-vous postulé à la direction de la CNSA, puis pris cette fonction ?

Les politiques publiques portées par la caisse dans les champs du handicap et de la perte d’autonomie, ainsi que leur enjeu humain, sont très importants pour moi. Et j’ai la chance de prendre ce poste à un moment où de grands chantiers sont engagés. L’Elysée et le gouvernement donnent à ces sujets, en particulier le handicap, une forte priorité. Je connais la stimulation que cela apporte, car j’ai été directrice générale de l’Institut national du cancer (INCa) au moment de la préparation du troisième plan « cancer » (2014-2019).

Tout au long de mon parcours (voir encadré ci-contre), j’ai travaillé sur des thèmes qui intéressent la CNSA. Ma dernière mission à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a porté sur le maintien dans l’emploi des personnes menacées dans leur insertion professionnelle pour des raisons de santé ou de handicap. En tant que membre du comité des pairs « cohésion sociale » de l’inspection, j’ai participé à la relecture des rapports de mes collègues dans le champ médico-social – par exemple ceux sur l’évaluation des structures médico-sociales, sur le bilan du troisième plan « autisme », sur l’utilisation des crédits non reconductibles… J’ai assisté à l’évolution de la CNSA ces dernières années. Avant mon arrivée, on m’avait dit : « C’est une belle maison. » Et c’est ce que je constate, en effet.

Quels vont être les grands chantiers de la CNSA pour ces trois prochaines années ?

Ils seront nombreux. Parmi eux, certains sont très transversaux et structurants : la transformation de l’offre pour faire émerger des solutions intermédiaires ou graduées entre le domicile et l’établissement, l’encouragement d’interventions « hors les murs », la démarche « Une réponse accompagnée pour tous » dans le domaine du handicap(1), la professionnalisation des structures d’aide à domicile, la qualité de vie au travail, le soutien aux aidants…

Dans ce dernier domaine, divers dispositifs ont déjà été mis en place, dans la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) de 2015 (le congé de proche aidant, en particulier) ou dans le champ du handicap (le soutien aux structures de répit, par exemple). Cette préoccupation est aussi très présente dans les plans de la santé publique comme le plan « cancer ». La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, et la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, souhaitent rassembler, mettre en cohérence, ce qui se fait en la matière. On peut imaginer des dispositifs communs à différents publics (personnes handicapées, âgées, malades), qu’il s’agisse de répit, de formation des aidants, de séjours de vacances. La CNSA a un rôle à jouer car elle soutient des programmes de recherche et finance déjà le soutien aux aidants, notamment à travers ses conventions avec les conseils départementaux ou les associations.

En appui de ces chantiers structurants, la caisse s’implique sur des sujets plus techniques, comme la réforme tarifaire Serafin-PH(2), la refonte du système d’information (SI) des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ou la réforme du financement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). La CNSA a récemment réalisé de premières simulations de l’impact de cette réforme(3). Actuellement, nous affinons l’état des lieux pour mieux comprendre l’effet sur les différents types d’établissements, en lien avec leur structure de coûts.

En ce qui concerne le SI des MDPH, le gouvernement a prévu d’accélérer le processus. Mais les délais sont-ils tenables ?

Lors du dernier comité interministériel du handicap (CIH), le 20 septembre, il a été prévu que « 100 % des MDPH soient engagées dans le déploiement du SI commun fin 2018, intégrant une solution de dépôt en ligne des demandes des usagers ». Oui, c’est exigeant, mais le déploiement se fera progressivement, à partir de fin 2018 pour certains. Il s’agit de faire en sorte que chaque MDPH ait fait son autodiagnostic et défini son plan de déploiement en 2018. Avec l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP santé), nous réfléchissons aux moyens d’accélérer le calendrier et d’accompagner les équipes des MDPH. La CNSA envisage un petit coup de pouce financier supplémentaire pour aider les MDPH à mettre leur SI à niveau et à accompagner la transformation de leur process. Le montant n’est pas encore fixé.

Pensez-vous travailler différemment, par rapport à vos prédécesseurs, avec les acteurs du médico-social, les représentants des usagers, le grand public ?

Je ne suis pas d’un naturel à dire : « J’arrive et je change tout ! » Je me donne quelques mois pour affiner ma méthode, en lien avec Marie-Anne Montchamp, qui vient d’être élue présidente du conseil de la CNSA. Il lui reviendra de faire vivre le débat au sein de ce parlement de l’autonomie. Quant à moi, je piloterai la structure, que je décris selon trois grandes fonctions.

La CNSA est d’abord une caisse, qui gère un budget d’environ 25 milliards d’euros par an. Sur cet axe, nous avons à optimiser les conditions d’allocation des ressources en combinant efficience, qualité de l’offre et incitation à l’améliorer. Nous continuerons à y travailler, comme avant, avec les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux.

Le deuxième rôle de la CNSA est celui d’une agence d’expertise. Je souhaite valoriser davantage la recherche et les données, nombreuses, que nous recueillons auprès des établissements et services, des MDPH, des ARS, des départements… Nous pouvons favoriser la remontée et le partage d’actions innovantes expérimentées sur le terrain. La CNSA le fait déjà en organisant des journées d’échanges, par exemple. Nous pourrions aussi mettre en place des banques de ressources qui documentent des actions probantes, des modèles d’organisation efficaces et reproductibles…

Le troisième visage de la CNSA est celui d’une structure à vocation partenariale. Geneviève Gueydan, qui m’a précédée à la direction générale, avait déjà mis en avant l’animation de réseaux et la production d’outils à leur service. Nous devons continuer dans cette voie, par exemple avec les ARS sur la transformation de l’offre médico-sociale, ou avec les conseils départementaux au sujet des conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie. Par ailleurs, nous avons évoqué, avec l’Assemblée des départements de France (ADF), la possibilité d’organiser un séminaire annuel sur l’autonomie qui aurait une dimension à la fois politique et technique, avec la présence des présidents ou des vice-présidents de conseils départementaux, comme des directeurs départementaux de l’autonomie, des représentants de la CNSA, des ministères, etc.

Renforcer les relations entre la CNSA et les départements fait partie du mandat que les ministres m’ont confié. Il en va de même pour les associations. Mi-octobre, j’ai rencontré les organisations du GR31 (qui représentent, au sein du conseil de la caisse, les personnes âgées et handicapées, ainsi que les fédérations d’établissements et de services médico-sociaux). Je compte renforcer le lien avec elles, là encore aux niveaux politique et technique, en accentuant leur intégration à des groupes de travail. Je suis très attachée, également, à recueillir la parole des personnes elles-mêmes. A l’INCa, nous avions développé des commissions des usagers où ils pouvaient siéger en leur nom propre, sans forcément représenter une organisation. C’est dans cet état d’esprit que Josef Schovanec(4) a été nommé en tant que personnalité qualifiée au conseil de la CNSA.

Enfin, je tiens à communiquer auprès du grand public. C’est une mission que la loi « ASV » nous a confiée. Cela s’est traduit par la création du portail www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr, qui remplit sa mission : il satisfait 89 % des visiteurs, selon une enquête dont nous avons publié les résultats début octobre. A moyen terme, nous réfléchissons à développer sur ce portail des éléments de satisfaction ou des indicateurs de qualité qui évaluent le service rendu par les établissements et les services destinés aux personnes. Cela pourrait se faire en lien avec la Haute Autorité de santé (HAS), dans le cadre de sa fusion avec l’Agence nationale d’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM). Nous poursuivons la diffusion de fiches en langage « facile à lire et à comprendre », pour informer les personnes handicapées de leurs droits et des prestations délivrées par les MDPH.

L’utilisation des ressources de la CNSA fait régulièrement polémique. Peut-on aller vers un apaisement ?

C’est un sujet sur lequel Marie-Anne Montchamp souhaite s’investir, et elle le fera certainement lors du conseil de la CNSA. Nous avons des discussions avec nos tutelles pour que les fonds propres (souvent appelés « réserves ») de la caisse soient maintenus à un niveau raisonnable, afin de financer notamment les plans d’aide à l’investissement. Quant à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA), le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 prévoit de modifier en partie son utilisation(5). Il faut souligner que cela bénéficiera bien aux personnes âgées et handicapées. Le conseil s’exprimera sur ce point. Bien entendu, il faudra veiller à ce que les ressources affectées et les fonds propres soient utilisés suivant leur destination première.

Parcours

Depuis sa sortie de l’Ecole nationale d’administration (ENA) en 1995, Anne Burstin a exercé alternativement à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) et à des postes opérationnels. Elle a été directrice adjointe de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) d’Aquitaine (2000-2003), chargée du pôle « santé », puis directrice générale adjointe de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps, devenue ANSM, 2006-2008). De 2012 à 2014, elle a assuré la direction de l’Institut national du cancer (INCa), alors présidé par Agnès Buzyn.

Notes

(1) Voir ASH n° 2997 du 10-02-17, p. 22.

(2) Voir ASH n° 3000 du 06-03-17, p. 19.

(3) Voir ASH n° 3027 du 29-09-17, p. 19.

(4) Philosophe et écrivain atteint d’une forme d’autisme de type Asperger.

(5) Voir ASH n° 3031 du 27-10-17, p. 14.

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