D’un côté, de l’autre, le narrateur de ce Roman étranger se débat. Lors du renouvellement de sa carte de séjour, avec les pièces à rassembler, dans les files d’attente à la préfecture, les bureaux anonymes où des fonctionnaires distants l’interrogent sans le voir. Avec Sophie. Etudiante comme lui, elle a les yeux verts et la vie simple de ceux qui vivent dans leur pays. Tantôt accessible, tantôt distante, elle ne le comprend pas davantage qu’il n’arrive à suivre ses changements de comportements. Le narrateur se débat aussi avec son premier roman, ses feuillets épars, les lettres qu’il s’efforce d’agencer sur les pages, les mots qui se dérobent ou s’imposent. Et avec Lucien, un camarade de fac qui flirte avec la folie à cause d’un projet de peinture dont l’ampleur le dépasse. Pour être honnête, le lecteur, lui, se débat un peu avec le texte. Pour son premier roman, Khalid Lyamlahy, trentenaire marocain, doctorant à l’université d’Oxford, n’a pas fait le choix de l’épure, au risque parfois d’encombrer son récit et de diluer son sujet : la quête d’identité. Petite trouvaille, tout de même, le processus de création littéraire, laborieux et douloureux, reproduit les affres de l’émigration. « Je veux faire de l’acte d’écriture un art de la reprise, une lutte acharnée, un combat interminable contre toutes ces forces négatives dont la vocation première est de détruire les châteaux de rêve et de renvoyer au néant absolu, affirme ainsi le narrateur. Je veux que l’écriture retrouve son pouvoir salvateur et élève les moindres velléités au rang du possible. Je veux qu’elle écrase les dernières incertitudes dans le cendrier de la confiance ranimée. » Seule conviction, après 184 pages : rien n’est moins sûr que la possibilité d’une reconstruction.
Un roman étranger
Khalid Lyamlahy – Ed. Présence africaine – 20 €