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Droits des personnes handicapées : l’ONU prône une société française plus inclusive

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« La France doit revoir et transformer son système en profondeur afin de fournir des solutions véritablement inclusives pour toutes les personnes handicapées. » C’est l’une des conclusions tirées par la rapporteure spéciale de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour les droits des personnes handicapées, à la fin de sa visite en France qui s’est déroulée du 3 au 13 octobre. Mandatée par le Conseil des droits de l’Homme et l’Assemblée générale des Nations unies, Catalina Devandas Aguilar était chargée de formuler des avis sur « les avancées et les défis » rencontrés dans la mise en œuvre des droits des personnes handicapées en France. Elle se réjouit des « évolutions positives » en la matière (adoption d’une feuille de route par le comité interministériel du handicap[1], élaboration du quatrième plan « autisme »[2], rattachement du poste de secrétaire d’Etat chargé des personnes handicapées auprès du Premier ministre[3]…). Toutefois, la rapporteure constate des « obstacles qui empêchent la participation pleine et effective des personnes handicapées », notamment au regard de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. En attendant la présentation d’un rapport définitif en mars 2019, elle effectue plusieurs recommandations préliminaires(4) ayant pour objectif d’aider la France à « prendre le virage nécessaire pour créer une société véritablement inclusive ».

Désinstitutionnaliser la prise en charge

Selon Catalina Devandas Aguilar, les établissements accueillant des personnes en situation de handicap ont « en commun le fait de séparer et d’isoler [ces] personnes de la communauté ». La rapporteure constate aussi que la demande de places en établissements excède l’offre existante, ce qui traduit une « carence quantitative et qualitative en France en matière d’accompagnement de proximité ». Estimant « qu’il n’existe pas de bons établissements dans la mesure où tous imposent un mode de vie donné », elle prône l’adoption d’un plan d’action concret pour assurer la fermeture progressive de tous les établissements existants et transformer l’offre actuelle de services pour personnes handicapées en solutions d’accompagnement et de logements de proximité. En outre, d’après elle, la désinstitutionnalisation des enfants handicapés doit constituer une « priorité politique » du gouvernement français.

Simplifier le système de protection sociale

Si la rapporteure reconnaît que la France consacre des moyens financiers et humains « conséquents » aux services et programmes de protection sociale destinés aux personnes handicapées, elle observe aussi la « complexité et l’éclatement extrêmes » du système français de protection sociale tenant :

→ à l’abondance des prestations, des services et des structures, qui est « telle qu’il est difficile pour les personnes handicapées de s’y retrouver » ;

→ au « fort cloisonnement des différentes mesures et leurs chevauchements fréquents [qui] empêchent une gestion efficace des ressources et l’offre de solutions appropriées aux besoins » des personnes en situation de handicap.

Catalina Devandas Aguilar recommande donc une simplification du système actuel de protection sociale afin de fournir aux personnes handicapées un accès de proximité aux services, dispositifs et autres formes d’accompagnement dont elles ont besoin. Le gouvernement doit aussi privilégier des mesures favorisant une « citoyenneté active, l’inclusion sociale et la participation à la collectivité ».

Assurer la capacité juridique

En France, un très grand nombre de personnes handicapées se voient retirer ou restreindre leur capacité juridique. C’est ce que constate la rapporteure, qui dénonce le fait que ces mesures, loin d’assurer la protection des personnes, les « privent de leurs droits et entraînent un risque d’abus et d’institutionnalisation ». Il faudrait, selon elle, « revoir la législation afin d’éliminer tout régime de prise de décision au nom d’autrui ». A la place, toutes les personnes en situation de handicap devraient pouvoir bénéficier d’une « prise de décision accompagnée, quel que soit le degré d’accompagnement nécessaire, afin qu’elles puissent décider par elles-mêmes, en toute connaissance de cause ».

Autre préconisation : revoir le cadre juridique relatif aux soins psychiatriques sans consentement de façon à ce que « toute intervention thérapeutique soit fondée sur un consentement libre et éclairé ». Au cours de sa visite, Catalina Devandas Aguilar a, en effet, constaté que de nombreuses personnes autistes ou des personnes avec un handicap psychosocial faisaient l’objet de soins psychiatriques sans consentement. Elle a, par ailleurs, relevé de « graves allégations d’abus et de traitements dégradants » de la part du personnel soignant,à l’encontre des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement (abus sexuels et psychologiques, recours à l’isolement et à la contention, menaces d’hospitalisation sans consentement…).

Favoriser la participation

Catalina Devandas Aguilar souhaite encourager le gouvernement français à favoriser et soutenir la création d’organisations représentant toutes les personnes handicapées, « notamment celles présentant un polyhandicap ou un déficit intellectuel, psychosocial ou du développement », qui ne sont pas représentées dans les organisations existantes. Il est aussi nécessaire, selon elle, de « renforcer la participation effective des femmes et enfants handicapés au processus décisionnel pour toute décision pouvant les affecter ». Enfin, elle juge indispensable de doter le Conseil national consultatif des personnes handicapées d’un budget d’exploitation permettant d’assurer son bon fonctionnement.

Finaliser l’accessibilité

Constatant que les infrastructures publiques et privées ainsi que les transports en commun ne sont pas toujours entièrement accessibles aux personnes handicapées, la rapporteure exhorte le gouvernement à accélérer et finaliser « dès que possible » le processus de « transformation de l’environnement physique » débuté par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Selon elle, le report dans le temps de l’obligation d’accessibilité totale des transports et des infrastructures ainsi que certaines dérogations ne sont pas justifiés. Elle estime, sur ce point, que les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 seront « l’occasion idéale de rendre Paris pleinement accessible à toutes les personnes handicapées ».

Notes

(1) Voir ASH n° 3027 du 29-09-17, p. 8.

(2) Voir ASH n° 3019 du 14-07-17, p 5.

(3) Voir ASH n° 3011 du 19-05-17, p. 6.

(4) Les observations préliminaires de la rapporteure sont disponibles sur www.ohchr.org.

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