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La VAE, un parcours exigeant pour le salarié et ses encadrants

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Ouverte à tout salarié, du veilleur de nuit au directeur, la validation des acquis de l’expérience (VAE) nécessite de la part des candidats rigueur et autonomie. Pour mettre toutes les chances de réussite du côté de leurs équipes, les managers n’hésitent pas à donner de leur temps. Sans toujours pouvoir récompenser les lauréats à la hauteur de leurs efforts.

« J’ai passé ce matin mon oral devant le jury, et le temps imparti m’a paru vraiment court pour justifier de douze ans d’expérience. Et inversement proportionnel au stress que je ressentais, compte tenu des enjeux… Le jury ne m’a pas tendu de piège. Mais l’attitude très neutre des examinateurs va rendre l’attente des résultats particulièrement longue. » Des mois de préparation en solitaire, un oral déstabilisant, et la boule au ventre en attendant le verdict. Le témoignage de ce directeur d’ESAT candidat au Cafdes (certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale) illustre parfaitement les enjeux de la validation des acquis de l’expérience. Dispositif ouvert à toute personne engagée dans la vie active, la VAE permet de faire reconnaître ses acquis afin de valider un diplôme, un titre professionnel ou un certificat de qualification. Elle repose sur l’élaboration d’un livret de présentation des acquis retraçant le parcours et le cheminement du candidat, que celui-ci doit ensuite présenter devant un jury. Une procédure longue, exigeant une forte autonomie et un travail personnel conséquent, quelle que soit la qualification visée. Et qui nécessite, de la part des managers, une attention particulière.

« Un des aspects positifs de la VAE, c’est qu’elle inverse le processus courant de la formation : là, c’est le salarié qui entreprend la démarche et qui la prend en main, témoigne Wassila Chabane, directrice territoriale adjointe de l’AEDE (Association des établissements du Domaine Emmanuel), en Seine-Saint-Denis. Pour autant, l’encadrement a un rôle à jouer dans le soutien à ce projet. » A Aix-les-Milles (Bouches-du-Rhône), Isabelle Vives dirige un EHPAD de 76 lits avec 45 équivalents temps plein (ETP), dont 22 soignants. Engagée dans un master 2 par la VAE, elle accompagne parallèlement deux salariés préparant le diplôme d’aide-soignant. Auxquels elle apporte son aide, notamment pour la rédaction du livret de valorisation des acquis : « Ils maîtrisent des savoir-faire sans toujours en avoir conscience, remarque-t-elle. Comme je suis infirmière de formation, je connais leur métier, je peux donc plus facilement les amener à décrire leur quotidien de soignants. »

Une mobilisation nécessaire des ressources internes

Plafonné à vingt-quatre heures, l’accompagnement de base proposé par Unifaf, l’OPCA (organisme paritaire collecteur agréé) de la branche, apparaît notoirement insuffisant, surtout pour les candidats les moins habitués aux écrits. Conduisant la plupart des structures à mobiliser leurs ressources internes. « Ici, les chefs de service sont très impliqués et il y a un vrai esprit d’entraide entre pairs, à tous les niveaux, décrit ainsi Floriane Trovero, directrice du foyer départemental de l’enfance et de la famille de la Loire (FDEF 42). Certes, cela demande du temps. Mais on le prend. Ça fait du bien à tout le monde d’enclencher une dynamique réflexive. Et le travail sur le cheminement personnel et sur les projets pour l’avenir se corrèle très bien avec les entretiens annuels ou ceux professionnels. » Un dispositif de soutien de branche à la VAE, proposant un accompagnement renforcé et individualisé pour huit diplômes (tous supérieurs au niveau IV), peut atteindre 170 heures. Mais sa mise en œuvre se heurte aux limites des capacités de financement des organisations.

En récompense de ces efforts, l’obtention d’une qualification supplémentaire débouche théoriquement sur une revalorisation salariale. « Les deux aides-soignants que j’accompagne sont des personnels motivés et que je veux garder, insiste Isabelle Vives. Comme je sais qu’ils obtiendront bientôt leur diplôme, j’ai intégré leur changement de coefficient dans ma préparation budgétaire pour 2018. L’agence régionale de santé nous demandant d’avoir 100 % de personnel qualifié, cela ne devrait pas poser de problème. »

Le risque de frustrations… et de départs

Mais les choses ne sont pas toujours aussi simples. Ainsi, dans la fonction publique hospitalière, dont relève le FDEF 42, les métiers de veilleur de nuit ou de maîtresse de maison n’existent pas. De sorte que les agents demeurent cantonnés à un grade d’agent d’entretien ménager. « On essaie de valoriser autrement, en facilitant la mobilité, en octroyant des primes ou en les associant aux réunions d’équipe éducative. Mais les textes nous enferment », regrette Floriane Travero Et pour progresser, encore faut-il que des postes soient disponibles. « Parfois, le diplôme vient entériner une évolution déjà entamée : par exemple, un moniteur-éducateur d’ESAT doté de missions transverses de coordination et qui obtient un diplôme d’éducateur technique spécialisé, cite Wassila Chabane. Mais il peut arriver que, pour des raisons budgétaires ou d’organisation, nous ne puissions pas proposer d’évolution parce qu’aucun poste n’est libre ou qu’on ne peut pas en créer. Cela peut générer de grandes frustrations. » Au risque d’entraîner le départ de la structure… Mais ce risque mérite d’être pris, affirme Dominique Villa, directeur d’un service d’aide à domicile dans l’Aisne (voir témoignage ci-dessous). « Le salarié n’appartient pas à l’entreprise, conclut-il. Nous faisons seulement un bout de chemin ensemble. Et notre rôle de manager, c’est avant tout d’aider les personnels à progresser dans leur parcours. Même si cela implique qu’ils aillent s’épanouir ailleurs. »

En chiffres

A ce jour, 15 diplômes sanitaires et sociaux sont accessibles par la VAE. En 2016, le centre d’appels dédié à la VAE pour le secteur a traité 51 328 appels et l’Agence de services et de paiements, qui gère les candidatures pour le compte des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, a reçu 15 797 livrets de recevabilité (ou livrets 1) et 11 282 livrets de validation des acquis (ou livrets 2). Environ 5 100 diplômes ont été délivrés. Le nombre de visiteurs différents sur le site de la VAE s’élève à 292 890 pour l’année 2016, soit une moyenne mensuelle de 24 407.

Témoignage : Dominique Villa Directeur général de l’AAGDA, dans l’Aisne

« Il y a dix ans, quand l’AAGDA [Association d’aide et garde à domicile de l’Aisne] a commencé à grossir, mon niveau de diplôme est devenu insuffisant pour en assurer la direction. J’ai donc choisi de passer le Caferuis [certificat d’aptitude aux fonctions de responsable d’unité d’intervention sociale] par le biais de la VAE. Cela a représenté un très lourd travail. Heureusement, une collègue de mon entourage préparait en parallèle le Cafdes [certificat d’aptitude aux fonctions de directeur d’établissement ou de service d’intervention sociale], et nous nous sommes entraidés. Après mon diplôme, j’ai été sollicité pour intégrer un jury de VAE, puis pour accompagner en tant que consultant des chefs de service préparant leur livret 2 en vue d’obtenir le Caferuis. Ces différentes expériences m’ont beaucoup servi au sein de l’AAGDA. Depuis 2010, j’ai mis en place des sessions collectives de valorisation des acquis de l’expérience, pour des groupes de six à huit salariés préparant un même diplôme (diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale, titre professionnel d’assistant de vie aux familles…). Nous faisons intervenir un formateur prestataire, à raison de 72 heures financées sur le compte personnel de formation des candidats, pour éviter de grever le plan de formation. Ces séances se déroulent le mercredi après-midi, ce qui génère d’importantes contraintes d’organisation pour le service. Le dernier groupe de DEAVS est un peu dans l’impasse, car depuis la transmission de leur livret de valorisation des acquis il y a un an, aucun jury n’a été organisé. La dynamique s’en ressent et une des candidates s’apprête même à quitter l’AAGDA sans avoir validé son diplôme. En dix ans, la VAE a permis à 20 % de nos professionnels d’obtenir une qualification plus élevée. Je me souviendrai toujours de cette salariée, obtenant le DEAVS à un an de la retraite. Elle a beaucoup douté, mais a bénéficié du soutien indéfectible de son groupe. Une collègue avait même saisi sur informatique son livret rédigé à la main. Quand cette salariée est partie, elle a encadré son diplôme au-dessus de son lit. D’un point de vue managérial, l’intérêt était limité. Mais d’un point de vue humain, c’était très fort. »

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