Antoine De La Rosa est un homme d’action et de terrain. Du genre qui vous serre la main d’une poigne de fer, tout en proposant à un résident de plus grandes feuilles pour ses dessins, et en répondant au téléphone à son directeur de pôle au sujet d’un projet de rénovation. Sans oublier de préparer des cafés. Pour autant, le nouveau directeur du foyer de vie Domaine de Mesplès des PEP 64, à Urt (Pyrénées-Atlantiques), ne se perd pas dans une forme d’activisme vain. Il aime aussi à mettre ses équipes autour d’une table, pour « construire de l’intelligence collective ». « Le bon directeur, affirme-t-il, c’est celui qui permet de déconstruire les théories, de ne rien tenir pour figé et de se garder des réponses immédiates et court-termistes. »
L’homme a beaucoup réfléchi à sa place et à sa posture, termes qu’il préfère à ceux de « fonction » et de « rôle ». « J’ai connu des vieux présidents d’association qui parlaient d’un habit du directeur, comme si cette incarnation par l’habit pouvait, à elle seule, porter la fonction sur le terrain, raconte-t-il. Je crois plutôt qu’il s’agit de porter des valeurs et du sens, sous peine de se déconnecter de sa base. Bien sûr, il faut savoir entraîner ses équipes, mais “jamais un pas de plus que ses troupes”, me disait un ancien directeur général. » Avant d’arriver à Urt, ce Tarnais a dirigé un foyer d’accueil médicalisé, deux EHPAD, et travaillé en maison d’enfants à caractère social. Il a surtout, vingt-deux ans durant, été militaire dans la gendarmerie. « J’y suis entré en 1981 parce que j’avais besoin de travailler, retrace-t-il. Dès le départ, j’ai été animé par quelque chose d’assez profond dans l’exercice de mon métier : le fait d’apporter des réponses à des personnes dans la difficulté. » Parce qu’il s’occupe des jeunes dans son club de plongée ou son école de rugby, ses supérieurs l’affectent rapidement à la prévention de la petite délinquance et, surtout, de la toxicomanie. Il se déplace dans les établissements scolaires, les structures sociales, les instituts de formation. Sur ses congés, il suit une maîtrise sur les addictions à l’université Paris-8, rencontre le curé des loubards, Guy Gilbert, ou Marc Valleur, psychiatre et médecin-chef de l’hôpital Marmottan, qui lui « éveillent l’esprit ». « J’ai appris notamment que le soi est incasable, et qu’il faut considérer chaque personne comme une entité unique », évoque-t-il.
En 2003, le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy sonne le glas de la police de proximité. Renvoyé dans une unité d’enquêteurs, Antoine De La Rosa démissionne. A 41 ans, une nouvelle vie professionnelle s’ouvre à lui. Educateur spécialisé, coach(1), directeur d’établissements… D’un poste à l’autre, l’ancien gendarme transporte ses valeurs cardinales : autonomie, responsabilité, équité et bienveillance. Toutes quatre ancrées sur un socle solide comme le roc : le droit. « Faire appliquer la loi, c’est la première posture du directeur », affirme-t-il. « Son arrivée a bougé beaucoup de repères, ce qui a pu être déstabilisant au début, reconnaît sa cheffe de service au foyer de vie, Cynthia Plessier. Mais, en quatre mois, il a su instaurer un cadre rassurant, qui permet à chacun de travailler en autonomie, tout en bordant les contours. » Investi, déterminé, le directeur sait donner le cap à son équipe. Sans jamais négliger de gagner son adhésion. « Comme il va très vite, il a toujours un temps d’avance, mais il est aussi capable de ralentir, de tirer l’équipe par la main, commente Cynthia Plessier. Il sait que si les professionnels ne comprennent pas, ils ne suivront pas. » Un trait de caractère repéré depuis longtemps par ses supérieurs à la gendarmerie. Dans ses évaluations, Antoine De La Rosa avait perpétuellement droit à la même observation : « Militaire qui réfléchit au bien-fondé de l’ordre avant de l’exécuter. »