La mesure est jugée « précipitée », « brutale », « sans concertation préalable »… L’intégration de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) au sein de la Haute Autorité de santé (HAS) était pressentie depuis plusieurs années(1). Mais certaines organisations du secteur ont peu apprécié d’apprendre que la décision a été prise le 27 septembre, la veille de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, qui inclut cette disposition(2).
Créée en 2007, l’ANESM fonctionne sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) dont la gouvernance intègre notamment des représentants des structures sociales et médico-sociales. Au 1er avril 2018, ce GIP va être supprimé et une commission de la HAS va reprendre ses principales missions : établir et diffuser « les procédures, les références et les recommandations de bonnes pratiques professionnelles » auprès des établissements et services concernés, « donner un avis sur les conditions et modalités de l’habilitation des organismes chargés de l’évaluation externe » et « se prononcer sur les conditions et modalités de radiation de la liste » des organismes évaluateurs.
La CNAPE (Convention nationale des associations de protection de l’enfant) « s’inquiète » dans un communiqué des conséquences de cette fusion. Elle avait déjà mis en garde contre un tel scénario en mars dernier, lorsque le GIP de l’ANESM avait été prorogé pour un an seulement(3). « Si le rapprochement avec le sanitaire est souhaitable parce que les imbrications sont fréquentes, en revanche l’intégration de l’ANESM [à la haute autorité] pose question quant à la prise en compte spécifique des aspects sociaux et médico-sociaux », qui pourraient sortir « rapidement des préoccupations de la HAS », craint la CNAPE. Pour que les missions et l’expertise de l’ANESM « soient préservées », elle appelle les parlementaires à « créer une haute autorité sanitaire, sociale et médico-sociale s’appuyant sur une gouvernance renouvelée », plutôt qu’une simple absorption de l’ANESM par la HAS.
« L’histoire de l’évaluation dans le champ de l’action sociale et médico-sociale n’est pas un long fleuve tranquille », rappelle pour sa part le GNDA (Groupement national des directeurs généraux d’associations du secteur éducatif, social et médico-social) dans une position publiée sur son site(4). « Elle a été vécue, au début des années 2000, comme mettant à mal les cultures professionnelles et les pratiques des établissements et services. Parce que des compromis ont été construits […], ces réticences ont pu être dépassées et une véritable dynamique d’amélioration de la qualité s’est mise en œuvre » autour de l’ANESM. La fusion des deux entités « rompt les accords patiemment trouvés », déplore le groupement, pour qui « la dilution [dans la HAS] des concepts méthodiquement élaborés par l’ANESM […] risque de représenter une perte lourde de conséquences pour les dynamiques engagées ».
Le GNDA pointe en outre le fait que le PLFSS ne modifie qu’« à la marge » les missions de la HAS, alors qu’il faudrait, selon lui, « une refondation » de cette instance. Le groupement propose d’instituer une « Haute Autorité des solidarités et de la santé », dont le collège serait « modifié pour accueillir au moins deux représentants des acteurs du social et du médico-social en portant de trois à cinq les membres désignés par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ». Mais si le gouvernement maintenait son projet en l’état, il faudrait au moins que le PLFSS prévoie la fixation par décret de la composition de la future commission de la HAS, en se fondant sur l’actuel comité d’orientation stratégique (COS) de l’ANESM, préconise le groupement.
L’ADC (Association de directeurs, cadres de direction du secteur social, médico-social et sanitaire) se fait quant à elle l’écho d’une réunion du COS du 2 octobre, qui a eu lieu en présence de représentants de la HAS et de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). « Nos interlocuteurs ont essayé de nous rassurer quant au fait que le secteur social et médico-social aurait toute sa place dans cet organe unique et que cela permettrait une meilleure complémentarité entre le sanitaire et notre secteur », rapporte l’association. Mais elle juge que « les modalités de cette coopération future restent pour le moins opaques ». Elle redoute en particulier « un glissement de la démarche évaluative vers une démarche de certification » du même type que celle déjà mise en œuvre par la HAS auprès des établissements de santé. Même si le dispositif d’évaluation n’est pour le moment pas remis en cause(5), le président de l’ADC, Daniel Carasco, avertit qu’« à long terme, on ne sait pas ce qu’il peut se passer ». Il souligne que l’on ne peut pas évaluer un établissement social de la même manière qu’un hôpital, arguant que certains aspects de l’activité sont « difficilement mesurables ».
L’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) proteste elle aussi contre le projet de fusion de l’ANESM et de la HAS(6). A contrario, d’autres organisations s’y montrent favorables, tel le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa), pour qui « ce passage contribuera à développer et valoriser l’évaluation de la qualité ». La Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés à but non lucratif (FEHAP) soutient elle aussi cette mesure, estimant que le gouvernement compte bien opérer « une acculturation totale de la HAS sur le domaine de l’ANESM ».
(1) L’ANESM est déjà installée, depuis début 2016, dans les locaux de la HAS, dont elle partage certaines fonctions support (paie, passation des marchés publics, comptabilité).
(4) Position du GNDA :
(5) L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) a préconisé de conserver le dispositif d’évaluation, tout en proposant des améliorations. Voir ASH n° 3020-3021 du 21-07-17, p. 6.