Dans un communiqué commun diffusé le 29 septembre, huit organisations des champs médico-social et sanitaire(1) contestent l’indicateur utilisé « pour déterminer les territoires fragiles ou “déserts médicaux” » dans le cadre de l’élaboration des plans régionaux de santé (PRS) pour la période 2018-2022. Si l’indicateur incriminé, l’accessibilité potentielle localisée (APL), a été élaboré en 2012, plusieurs membres de conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) ont constaté que les agences régionales de santé (ARS) se basaient uniquement sur l’APL pour définir le zonage des territoires de santé. L’accessibilité potentielle localisée, « exprimée en nombre de consultations par habitant et par an », prend en compte la distance entre le domicile et le médecin généraliste, calculée à partir d’un temps de trajet en voiture, rappellent les huit signataires. Cependant, elle « ne tient pas compte des modalités de déplacement en zones très urbanisées (transport en commun, à pied), ni du fait que les plus pauvres ne disposent pas de voiture, en zones urbaines comme en zones rurales ». Cet indicateur ne prend pas non plus en compte l’accès aux spécialistes (gynécologues, pédiatres, psychiatres), « pratiquement absents des territoires défavorisés et dont l’activité incombe intégralement aux médecins généralistes » et n’est pas pondéré par des indicateurs sociaux.
Conséquences : l’APL ne fait pas ressortir les inégalités sociales de santé, excluant « de fait des territoires où [elles] ne sont plus à démontrer (par exemple plusieurs villes de Seine-Saint-Denis) », déplorent les signataires. Par ailleurs, cet indicateur n’intègre pas non plus les « différences de niveau socio-économique de la population », comme l’avait précisé la DREES (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), elle-même à l’origine de l’élaboration de l’accessibilité potentielle localisée avec l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé). « Pourtant, un décret [du 25 avril dernier] relatif au zonage(2) précise bien que les caractéristiques sanitaires, démographiques et sociales de la population doivent être prises en compte, ce que font seulement certaines ARS, et de manière partielle, en intégrant les quartiers prioritaires de la ville, exclus du zonage national », poursuivent les huit associations.
Dans un objectif de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, elles réclament donc une révision des modalités du zonage, ce dernier déterminant ensuite l’accès aux aides conventionnelles accordées aux médecins pour s’installer dans les déserts médicaux. Pour cela, elles demandent que les ARS ne basent pas leur calcul uniquement sur l’APL, mais pondèrent cet indicateur par la prise en compte d’autres critères socio-économiques (revenu médian, par exemple, quartiers « politique de la ville »).
Cette prise de position intervient à quelques jours de la présentation, attendue le 13 octobre, du plan d’action contre les déserts médicaux par la ministre des Solidarités et de la Santé. La question des déserts médicaux était également au cœur du dernier Congrès national des centres de santé, organisé les 5 et 6 octobre à Paris. Sous l’intitulé « En finir avec les déserts médicaux », l’ambition était notamment, après le lancement de la concertation de la future stratégie nationale de santé par Agnès Buzyn le 18 septembre dernier(3), de revenir sur les attentes des acteurs de soins primaires après les annonces de la ministre. Mais aussi de rappeler le rôle des centres de santé dans l’accessibilité sociale aux soins, la prévention, la coordination des soins ou encore la pluriprofessionnalité.
(1) Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et des organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux), Fédération nationale des centres de santé, Médecins du monde, Confédération des centres de santé, Armée du salut, Adessadomicile, Association des paralysés de France et Santé mentale France.
(2) Décret n° 2017-632 du 25 avril 2017 relatif aux conditions de détermination des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins ou dans lesquelles le niveau de l’offre est particulièrement élevé (J.O. du 27-04-17).