C’est une nouvelle pomme de discorde entre départements et représentants de l’aide à domicile. Les quatre fédérations de la branche (UNA, ADMR, Adessadomicile et Fnaafp-CSF) ont écrit à la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, le 25 septembre, pour l’alerter sur les conditions du déploiement du Fonds d’appui aux bonnes pratiques et d’aide à la restructuration. Doté pour 2017 de 50 millions d’euros, qui transitent principalement par les départements, il vise à soutenir les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD)(1). Une mesure « accueillie favorablement » par le secteur, rappellent les quatre fédérations. Le hic, selon leur lettre, dont les ASH ont eu copie, est que « certains départements utilisent l’opportunité du fonds d’appui pour imposer, sans négociation possible, des CPOM [contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens] aux contenus non conformes à la réglementation et aux dotations insuffisantes ».
Parmi les contrats proposés par des départements (que les SAAD n’ont pas forcément accepté de signer), certains ne contiennent pas l’ensemble des éléments prévus par le code de l’action sociale et des familles et ne sont donc pas assez précis. Par exemple, ils ne détaillent pas comment est calculée la dotation de financement du SAAD, décrivent les fédérations. Autre cas de figure observé : un CPOM permettant à un SAAD autorisé de pratiquer un tarif libre… tout en imposant un plafonnement de la différence entre ce tarif et le tarif de référence du département. Ou encore des SAAD auparavant habilités à l’aide sociale « se retrouvent “déshabilités” sans aucune phase de dialogue, sans justification par les départements concernés ni respect des procédures et sans prise en compte des problématiques des augmentations importantes de reste à charge pour les bénéficiaires de ces services », déplorent les fédérations.
Elles demandent à la ministre de « faire cesser ces situations » et de « mettre en place des mécanismes de contrôle et de sanctions ». « Notre démarche ne vise pas à remettre en cause le rôle de pilote de l’action sociale tenu par les départements, mais bien à empêcher que les comportements d’une minorité d’entre eux remettent en question les avancées attendues du fonds d’appui », arguent-elles.
Lors des Assises nationales de l’aide à domicile, organisées les 28 et 29 septembre à Paris par la société de conseil, de presse et de formation EHPA, Didier Duplan, directeur général adjoint d’Adessadomicile, a résumé la teneur de cette lettre. Il a aussi déploré les retards pris par une partie des départements dans l’application de la loi d’adaptation de la société au vieillissement (ASV) du 28 décembre 2015, notamment en matière de revalorisation des plans d’aide APA (allocation personnalisée d’autonomie) – tout en concédant que, globalement, la loi a permis d’augmenter ces plans « de 14 % à 30 %, ce qui est un effet de levier très important ».
D’autres orateurs ont regretté des différences de pratiques d’un territoire à l’autre : « Il nous faut homogénéiser la lecture du cahier des charges de l’autorisation selon les départements. Nous ne pouvons continuer comme cela avec 101 départements qui ont 101 lectures différentes du document », a assuré Olivier Peraldi, directeur général de la Fédération du service aux particuliers (FESP). Benoît Calmels, délégué général de l’Unccas (Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale), a proposé de créer « un observatoire des pratiques départementales » dont les données seraient publiques. Jean-Laurent Clochard, responsable du pôle « famille » de la Fnaafp-CSF (Fédération nationale des associations de l’aide familiale populaire), a pointé des tarifications « complètement différentes d’un département à l’autre : 16 € ou 24 € de l’heure, ce n’est vraiment pas la même chose ! » Sans compter que certains départements ne pratiquent pas les mêmes tarifs pour les associations et pour les entreprises d’aide à domicile.
Dans ce contexte, lors des assises, les représentants de la plupart des fédérations ont plaidé pour instaurer des tarifs uniques départementaux, voire un tarif national, pour l’aide à domicile financée par l’APA. Il pourrait être complété par des financements supplémentaires régis par un CPOM pour les interventions dans des territoires isolés, auprès de patients avec handicaps lourds, ou encore pour prendre en compte les efforts de formation, a suggéré Maud Collomb, directrice adjointe du département « développement et qualité » de l’Union nationale ADMR.
L’un des enjeux des travaux du groupe de travail national sur la tarification, en cours d’installation (voir ce numéro, page 12), sera bien d’« harmoniser les pratiques » entre les départements, a promis Laurence Lavy, cheffe du bureau « prévention de la perte d’autonomie et parcours de vie » de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Elle a cependant jugé que, globalement, « on est arrivé à une appropriation » de la loi « ASV » par les départements et les SAAD.
Invitée aux assises, l’Assemblée des départements de France (ADF) n’a pas envoyé de représentant. En revanche, certains membres des fédérations ont témoigné une certaine indulgence vis-à-vis de ces collectivités. Ainsi, Frank Nataf, vice-président de la Fédération française des services à la personne et de proximité (Fedesap), a souligné que les départements « n’ont pas reçu de compensation en ressources humaines pour traiter l’afflux » de SAAD auparavant agréés, qui ont basculé dans le champ de l’autorisation à la suite de la loi « ASV ». Mais dans l’ensemble, « par rapport à 2015, on va vers une amélioration de nos relations avec les conseils départementaux », a-t-il estimé.