La langue de bois n’est pas l’apanage du personnel politique. Dans les institutions médico-sociales aussi, il y a des « éléments de langage » sur lesquels on revient rarement visiter sa pensée. C’est tout l’intérêt de l’exercice auquel se livre ici Philippe Chavaroche, intervenant en supervision et en formation continue. Fin connaisseur du champ du handicap mental, auquel il a déjà consacré plusieurs ouvrages, l’auteur a aujourd’hui choisi la formule du dictionnaire pour égrainer ses réflexions. Et il ne se paie pas de mots. D’« Accompagnement », idéal d’un rééquilibrage des relations interpersonnelles, à « Violence », qu’il serait dommageable de renvoyer à l’impensable, Philippe Chavaroche s’emploie à définir au plus juste des termes ou expressions qui prêtent rarement le flanc au questionnement. Parmi ces outils sémantiques d’un usage quasiment automatique, il y a la « Bientraitance ». Cette dernière fait aujourd’hui l’objet de tant d’injonctions – et d’incantations – qu’elle risque fort de conduire les professionnels à censurer leurs « mauvaises pensées », prêtes alors à resurgir sous forme d’actes manqués. Précisément, de la maladresse au délit ou au crime, la « Maltraitance » est, bien sûr, épinglée, parce que ce vocable englobe une grande variété de situations, ce qui « amène une confusion et empêche le traitement au plus près des faits ». « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », a peu ou prou dit Albert Camus, dont l’auteur cite la formule en épigraphe. A défaut d’être plus heureux, les lecteurs de Philippe Chavaroche seront sans doute en mesure de mieux soutenir leurs pratiques et de mieux communiquer.
Dictionnaire critique de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées mentales
Philippe Chavaroche – Ed. érès – 13 €