Aux murs de l’Europe

La fissure est un reportage choc sur les murs qui se dressent face aux migrants. Tout commence en décembre 2013 : deux Espagnols, le photographe Carlos Spottorno et le journaliste Guillermo Abril, partent en reportage pour le journal El País Semanal. La rédactrice en chef leur propose un projet ambitieux : « Je veux que vous voyagiez aux frontières de l’Europe. Choisissez trois ou quatre destinations. Les endroits les plus chauds. Allez là où il y a des barrières et des policiers. Sur la ligne de démarcation. Ce sera pour la une. » Ils rapportent 25 000 photos et 15 carnets de notes. Le reportage, publié en 2014 dans El País (la couverture et 20 pages intérieures), remporte le prix World Press photo. Un an et demi plus tard, les deux journalistes décident, pour poursuivre leur enquête, de repartir sur la frontière est. L’ensemble de leur aventure sort aujourd’hui sous la forme d’une œuvre inédite, entre roman graphique et livre de photos, puisque les images ont bénéficié d’un traitement chromatique qui les rapproche du dessin. Près de 170 pages qui filent entre l’Afrique et l’Arctique, de la misère sordide des camps bulgares aux rencontres avec les Subsahariens du Gourougou, en passant par le sauvetage d’une barque au large des côtes libyennes, l’exode des réfugiés des Balkans, les mineurs non accompagnés de Melilla ou l’arrivée d’Afghans et de Camerounais en Finlande. L’ouvrage est également illustré par des cartes afin de suivre le périple des deux professionnels. Lesquels partagent la vie des migrants – sauf qu’eux possèdent des passeports européens pour passer – et rencontrent parallèlement les gardes-frontières, les patrouilleurs, les responsables des polices frontalières, mais aussi des aviateurs de la Guardia civil espagnole pour la mission Frontex ainsi que des militants. Carlos Spottorno et Guillermo Abril racontent aussi leur ressenti, leur quotidien. Jamais document n’a été aussi complet. « Nous avons entrepris ce voyage sans savoir au juste ce que nous trouverions en chemin. Nous rentrons à la maison avec la conviction que nous devons le raconter », concluent-ils.