« Pour nous, l’engagement de campagne d’Emmanuel Macron d’augmenter l’AAH [allocation aux adultes handicapés] n’était pas sélectif, mais collectif. Or, environ un quart des allocataires ne vont pas en bénéficier », tempête auprès des ASH Véronique Bustreel, conseillère nationale « travail, emploi, formation et ressources » à l’Association des paralysés de France (APF). Le Comité interministériel du handicap (CIH), réuni le 20 septembre (voir ce numéro, page 8), a acté que le montant maximal de l’AAH, actuellement de 810,19 € pour une personne seule, serait revalorisé en deux temps : 860 € au 1er novembre 2018, puis 900 € un an plus tard. Mais pour les couples, le plafond de ressources – et donc l’allocation si le revenu des deux conjoints n’évolue pas – va rester stable sur cette période(1) afin de rapprocher les règles de calcul de celles qui s’appliquent aux autres minima sociaux, a précisé le cabinet de la secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, à Faire-face.fr, site d’information de l’APF(1). Avec les arguments suivants : « Le fait de vivre en couple est source d’économies d’échelle » (le loyer par personne est en général moins élevé) et « la solidarité nationale complète la solidarité familiale [mais] ne doit pas s’y substituer ». « Les bras m’en tombent ! réplique Véronique Bustreel. Cela revient à rendre les personnes handicapées encore plus dépendantes de leur famille. » Elle récuse aussi le parallèle fait avec les autres minima sociaux, jugeant que l’AAH ne devrait pas relever de cette catégorie, mais être considérée comme « un revenu d’existence décorrélé du revenu du conjoint ». L’enjeu est de taille, car sur les 1,09 million de bénéficiaires de l’AAH, environ 250 000 vivent en couple, souligne-t-elle.
Un autre changement annoncé irrite l’APF : la fusion à venir du complément de ressources et de la majoration pour la vie autonome (MVA), qui s’ajoutent à l’AAH pour certains allocataires (et ne sont pas cumulables entre eux). Dans le dossier de presse du CIH, le gouvernement explique cette mesure par un besoin de « simplification et de clarification », ces deux dispositifs étant « peu lisibles pour les bénéficiaires eux-mêmes » et « source d’incompréhensions et d’erreurs ». Or, le complément de ressources s’élève à 179,31 € par mois et la MVA à 104,77 €. L’APF craint donc un nivellement par le bas entre ces deux aides. Si tel était le cas, les quelque 65 000 bénéficiaires actuels du complément de ressources perdraient 75 € par mois : la majeure partie de la revalorisation de l’AAH de 90 € serait absorbée et « le gain ne serait plus que de 15 € par mois à terme, sans compter la baisse prévue des APL (aides personnalisées au logement) ». On notera cependant que le gouvernement n’a pas précisé selon quelles modalités exactes se ferait le rapprochement des compléments. Le Comité d’entente des associations représentatives de personnes handicapées et de parents d’enfants handicapés a adressé, le 27 septembre, une lettre au Premier ministre, Edouard Philippe, et à Sophie Cluzel, leur demandant de suspendre les mesures sur les couples et les compléments, et d’ouvrir une réflexion sur les ressources des personnes handicapées, a indiqué Véronique Bustreel.
Déçue elle aussi par le CIH, l’Association des accidentés de la vie (FNATH), l’a décrit comme « une douche froide ». Certes, la revalorisation de l’AAH « est la plus importante de ces dernières années », mais les allocataires « vont devoir attendre 14 mois pour en bénéficier », déplore-t-elle dans un communiqué. L’Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), tout en décrivant la revalorisation de l’AAH comme « une avancée à saluer pour la majorité des allocataires », regrette que son montant maximal reste « en dessous du seuil de pauvreté ». Elle met donc en garde contre des annonces « qui ne seraient pas suivies d’une réelle hausse de niveau de vie des personnes en situation de handicap, malheureusement souvent condamnées à la précarité ». Elle regrette par ailleurs qu’aucune orientation du CIH « ne concerne la prestation de compensation du handicap [PCH], alors qu’elle ne répond pas aujourd’hui aux besoins avérés de nombreuses personnes handicapées ».
Quant à l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux), elle porte les mêmes griefs contre la réforme annoncée. Elle regrette également « que l’abrogation des barrières d’âge des 60 et 75 ans[2] dans l’allocation des prestations de compensation n’ait pas été envisagée lors de ce CIH ».
(1) Plus précisément, le plafond passera de 1 620 € actuellement à 1 634 € au 1er novembre 2018, puis redescendra à 1 620 € au 1er novembre 2019. Voir
(2) L’âge maximal pour une première demande de PCH est de 60 ans (sauf en cas de poursuite d’une activité professionnelle). Les personnes dont le handicap répondait avant 60 ans aux critères d’éligibilité peuvent la demander jusqu’à 75 ans.