« Pourquoi un livre blanc sur les peines alternatives à l’incarcération ? », a interrogé Thierry Lebéhot, président de Citoyens et Justice, lors de la présentation, le 19 septembre, du travail mené pendant neuf mois par la commission « post-sententiel » de la fédération d’associations socio-judiciaires. Avant d’égrener les chiffres de la surpopulation carcérale et de pointer les « conditions inhumaines de détention ». « Des solutions existent », mais elles restent « sous-employées », a poursuivi Thierry Lebéhot, répondant ainsi à sa question introductive.
A l’issue de ce travail d’analyse, « nous avons listé 69 préconisations pour encourager les magistrats à prononcer des mesures justes et adaptées, dans le respect des personnes condamnées et des victimes, a témoigné Stéphanie Lassalle, conseillère technique « post-sententiel » chez Citoyens et Justice. Ce sont des préconisations à visée opérationnelle inspirées des pratiques quotidiennes des associations de [la fédération] ».
Ce livre blanc(1) passe en revue les différents types de peines alternatives à l’incarcération – le travail d’intérêt général (TIG) et l’emprisonnement assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve – et les aménagements de peine – le placement à l’extérieur, la semi-liberté, le placement sous surveillance électronique, la libération conditionnelle. Pour chacune de ces mesures, la fédération rappelle leur cadre légal, leurs conditions de mise en œuvre, leurs plus-values ou encore les freins à leur développement, et donne des éléments de diagnostic et des données statistiques. Avant de les illustrer par des initiatives menées par des associations de son réseau et de formuler des préconisations pour promouvoir leur développement. Par exemple, en ce qui concerne les TIG, Citoyens et Justice formule 29 recommandations autour de cinq axes : diversifier les postes, outiller les tuteurs, « faire du TIG un tremplin pour l’emploi », développer les TIG collectifs et développer la dimension socio-éducative de cette mesure.
La présentation du livre blanc sur les alternatives à la prison a également été l’occasion pour le Secours catholique-Caritas France, partenaire national de Citoyens et Justice, de présenter le bilan de son étude « L’écho des prisons, un repérage des bonnes pratiques vers l’autonomie des personnes détenues ». Lancée en 2015 auprès de personnes incarcérées, de partenaires et de professionnels intervenant en détention, cette consultation, également menée dans d’autres pays européens(2), avait pour objectif de « repérer les activités autonomisantes favorisant la réinsertion des personnes détenues ».
Le Secours catholique a recueilli la parole de 258 personnes détenues (ou récemment sorties) dans 30 établissements pénitentiaires. Six réponses proviennent de femmes et quatre de mineurs. Les professionnels du monde pénitentiaire et judiciaire ont été 24 à répondre ; les autres acteurs liés au monde carcéral (familles de détenus, membres d’associations, médecins) ont été au nombre de 50. Les personnes détenues ont exprimé des besoins portant autant sur la « valorisation personnelle » (développer de nouvelles compétences, se sentir écouté, s’approprier des moyens d’expression), que sur l’amélioration de leur vie quotidienne en détention ou leur souhait de « sociabilisation » et de « considération » (se rencontrer entre détenus, rencontrer des intervenants extérieurs et des proches, « être considéré comme une personne »). Il est également ressorti des questionnaires un besoin de « valorisation du temps de la peine » (réfléchir à son histoire de vie, préparer sa réinsertion) et la possibilité d’avoir des « espaces de décompression », les activités culturelles et sportives étant, à ce titre, fortement plébiscitées.
Le Secours catholique a par ailleurs recensé des exemples de pratiques favorisant l’autonomie. Certaines sont mises en œuvre par ses bénévoles, d’autres par certains de ses partenaires, un acteur extérieur ou l’administration pénitentiaire elle-même. L’association prévoit désormais de « porter la parole des personnes détenues auprès des institutions politiques et administratives et de l’opinion publique » afin d’« inciter les autorités nationales à mettre en place les actions favorisant l’autodétermination en détention ».
(1) Le livre blanc sera prochainement en ligne sur
(2) La démarche a été lancée par le Secours catholique-Caritas France et Caritas Allemagne.