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« Travailler sur les valeurs qui nous rassemblent donne du sens au travail »

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Professeur titulaire de la chaire de gestion des services de santé au CNAM et directrice du département Santé-Solidarité, Sandra Bertezene a mené une recherche sur le pilotage de la performance éthique dans le secteur médico-social.
Qu’appelle-t-on un « management éthique » au sein des ESMS ?

L’éthique est la recherche du bien-vivre et du bien-faire, fondée sur une disposition individuelle à agir de manière constante en vue du bien d’autrui et dans des institutions justes. Au sein des établissements sociaux et médico-sociaux, l’éthique est une réflexion sur la bonne et la mauvaise façon d’agir en fonction du système de valeurs et des attitudes des acteurs qui composent l’organisation. Formaliser des pratiques et/ou des principes éthiques s’inscrit dans une logique stratégique pour mieux répondre aux pressions exercées par les différentes parties prenantes (opinion publique, résidents, familles, tutelles, mais également le personnel de l’établissement lui-même, tous niveaux hiérarchiques confondus). L’éthique revêt par conséquent un caractère social, économique et réglementaire qui conditionne la survie et le développement des organisations.

Pourquoi doit-on y tendre ?

Au moins trois raisons devraient pousser les ESMS à s’intéresser à l’éthique. Premièrement, travailler en équipe sur la définition de l’éthique, son opérationnalisation au travers des pratiques d’accueil, d’accompagnement, de management, est un levier puissant en faveur de la motivation et de l’engagement. Travailler sur les valeurs qui nous rassemblent donne du sens au travail. Deuxièmement, dans un environnement concurrentiel soumis à une forte rationalisation budgétaire, l’éthique peut être un avantage compétitif, d’autant que l’opinion publique est sensible aux questions de lutte contre la maltraitance, de justice sociale ou encore de respect de l’environnement. Troisièmement, la mise en œuvre d’un questionnement éthique continu est encouragée depuis nombre d’années par l’ANESM [Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux]. Même si la mise en œuvre de ces bonnes pratiques n’est pas obligatoire, il n’en demeure pas moins que l’éthique recouvre, selon l’ANESM, trois dimensions dont la prise en considération est obligatoire pour recevoir les autorisations à fonctionner : le respect des droits et libertés, la qualité des services produits et la bientraitance des personnes accueillies.

Faut-il des outils, des techniques, ou est-ce une manière d’être qui ne s’acquiert pas ?

Les règles et pratiques éthiques au sein d’un établissement ne peuvent pas être indépendantes des usages, traditions, habitudes de vie propres à un pays et à une époque. Ce sont ces critères d’espace et de temps qui vont largement définir les règles du bien-vivre et du bien-faire en vue du bien d’autrui dans un établissement ou un service que l’on estime juste. L’éthique n’est donc pas innée, elle s’apprend, se cultive et se transmet, évolue, selon une spirale progressive au sein des ESMS. La connaissance et l’apprentissage favorisent cette progression et ces changements dans les sphères politique, économique, sociale, écologique, technologique, légale qui influencent les établissements (et inversement). Par exemple, il y a plusieurs décennies, il n’était pas contraire à l’éthique d’attacher une personne âgée et désorientée à son lit. Les connaissances évoluent et, avec elles, également les règles, les enseignements, les comportements et la réflexion liés à la contention en France, mais le cas est différent dans de nombreux pays où la contention est courante.

Vous avez mis en place un outil pour contrôler la performance éthique. Pouvez-vous expliciter ?

Avec les équipes d’un EHPAD, nous nous sommes intéressés au pilotage de la performance éthique grâce au tableau de bord prospectif développé aux Etats-Unis par Kaplan et Norton il y a près de trente ans. Ce tableau de bord est composé de quatre axes : processus internes, apprentissage organisationnel, clients, finances. Nous avons construit une architecture de tableau de bord contextualisé, articulant différentes vertus (altruisme, équité, justice, responsabilité et collégialité) aux dimensions de la performance éthique proposées par l’ANESM. Par exemple, sur l’axe financier du tableau de bord, la dimension « qualité » articulée à la vertu « altruisme » contient l’indicateur « évolution des dépenses effectuées pour favoriser l’accueil des personnes handicapées vieillissantes ». Ou encore sur l’axe des processus internes, la dimension « bientraitance » articulée à la vertu « équité » contient l’indicateur « temps passé à réaliser des animations auprès des personnes désorientées par rapport au temps passé à réaliser ces animations auprès des personnes non désorientées ». L’objectif était de construire et de déployer des indicateurs adaptés au contexte de l’EHPAD permettant au personnel, aux cadres et au directeur, de prendre des décisions étayées par des informations combinant la création de potentiels à long terme et les résultats immédiats, dépassant ainsi les seules considérations économiques de court terme.

Notes

(1) « Le pilotage de la performance éthique : résultats de recherches-interventions dans le secteur médico-social », revue Management et Avenir n° 64, p. 56-75, et Manager la RSE dans un environnement complexe. Le cas du secteur social et médico-social, éd. EMS.

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