Laure Leyris, 34 ans, directrice d’Imprim’service, à Lille – l’un des cinq établissements et services d’aide par le travail (ESAT) municipaux de France –, a des tonnes de projets dans sa besace. Dominique Vermeulen, son adjointe administrative, se réjouit de cette volonté d’innover : « Elle a fait avancer à la fois les moniteurs d’atelier et les travailleurs handicapés, en organisant beaucoup d’événements à l’extérieur, des salons, des marchés de Noël… » Laure Leyris a suivi ses études à l’Institut d’études politiques de Bordeaux. L’idée d’œuvrer dans l’humanitaire à l’international la titillait : « C’était déjà l’envie de travailler pour les personnes », note-t-elle aujourd’hui. Mais dans un poste avec du pouvoir, car elle voulait agir, mener des projets. L’établissement qu’elle dirige aujourd’hui est géré par le CCAS de la ville : une particularité avec laquelle compose cette femme dynamique, qui cumule ce poste à responsabilité et l’éducation de ses trois enfants, âgés de 6 mois à 6 ans. Avec les risques d’épuisement…
Dans son travail précédent, Laure Leyris a connu un burn-out après l’arrivée de son deuxième bébé. « J’ai fait les frais de cette combinaison entre vie familiale et travail, où j’avais des exigences de résultats que je m’imposais à moi-même », explique-t-elle. C’était son premier poste, après l’obtention du concours de directeur de centre médico-social, en 2010. Le centre Simone-Delthil de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) qu’elle dirigeait regroupe trois Sessad pour les handicaps auditif et visuel et les troubles du langage. Elle avait sous ses ordres 48 professionnels, pour 180 usagers suivis. « Je voulais trop que tout se passe parfaitement, que la réalité soit conforme à mon idée. » Goût de la perfection, refus de s’accorder des temps de répit, elle a analysé le processus d’épuisement dans un article paru en 2016(1). En cinq ans et demi, elle mène à bien une réorganisation du temps de travail, mais se sent de plus en plus isolée. Il lui manque « le contact avec les gens ». Ce que confirme Sylvie Hanquier, cadre socio-éducatif dans un institut médico-éducatif où Laure Leyris effectuait un intérim en parallèle : « Un Sessad, c’est une équipe éclatée, difficile à rassembler. Celle-ci était depuis longtemps en place, installée dans des habitudes de travail. » En clair, difficile à bouger. La professionnelle garde de Laure Leyris le souvenir de quelqu’un de fiable, qui assume ses décisions, prises après avoir écouté les salariés.
La directrice s’est sortie de son burn-out grâce à une formation en codéveloppement : sous la direction d’un coach, des pairs échangent librement sur leurs pratiques managériales, dans un cadre formel. Ils se rencontrent trois fois par an, pendant quatre ans. Elle y a trouvé les ressources pour prendre du recul. Désormais, elle s’accorde des cours d’aquagym le midi, et ne prend plus tout trop à cœur. En ce moment en congé maternité, elle reprendra son travail à temps partiel, à 80 %.
De plus, postuler à l’ESAT de Lille, dans sa région d’origine, lui a permis de rejoindre une structure plus petite (un agrément de 52 places pour 15 professionnels), tout en étant au sein d’une administration. « Je voulais avoir une hiérarchie car je me trouvais trop jeune pour prendre seule des décisions », souligne-t-elle. Elle regrette cependant les lenteurs administratives, avec lesquelles elle apprend à composer, même si elle estime que le système n’est pas assez réactif par rapport aux objectifs commerciaux de l’ESAT. Elle a partagé ce constat avec ses supérieurs et les élus, par qui elle se sent « écoutée ». En déficit commercial, l’imprimerie a besoin de se diversifier. Laure Leyris voudrait monter une prestation de restauration rapide ou de façonnage de dépliants. Changer, donc, mais sans brusquer son équipe. Dominique Vermeulen le souligne, son management respecte les gens : « Elle sait reconnaître les qualités de chacun, les utiliser et mettre en valeur le travail accompli. »
(1) « Vaincre l’épuisement professionnel », dans La fabrique du changement au quotidien – Voir ASH n° 2988 du 16-12-16, p. 40.