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Les PTCE au service de la solidarité et du lien social

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Le 5 juillet dernier, le Labo de l’économie sociale et solidaire (ESS) a dévoilé les résultats de sa première enquête d’analyse des PTCE (pôles territoriaux de coopération économique). Celle-ci montre comment ces nouvelles formes de coopération allient projets économiques de proximité et utilité sociale.

Valoriser l’apport, sur le plan de l’utilité sociale et de la création d’emplois, d’un pôle territorial de coopération économique (PTCE) : c’est ce que s’est employé à faire le Labo de l’ESS, think tank de l’économie sociale et solidaire, dans un travail engagé en 2015. Les résultats de cette « Enquête d’analyse des PTCE »(1) ont été dévoilés lors d’une rencontre organisée le 5 juillet dernier sur le thème « Coopérer et innover en faveur des territoires ». Ceux-ci apportent « des éléments quantitatifs et qualitatifs de mesure de l’activité des pôles, devenus désormais indispensables pour évaluer leur valeur ajoutée », peut-on lire dans ce document. L’ambition du think tank est en effet de démontrer l’apport des PTCE « dans la revitalisation et la dynamisation de l’emploi, les coopérations économiques et le lien social ».

Une étape supplémentaire dans le travail mené par le Labo de l’ESS, qui a contribué à l’émergence et à la structuration des PTCE, depuis la genèse, en 2009, de ces nouvelles formes de coopération(2). Le think tank a en effet contribué au lancement, en juillet 2013 par le gouvernement, du premier appel à projets sur les PTCE. Ce dispositif a ensuite été reconnu par la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire(3), lui donnant un cadre et une définition légale. Selon l’article 9 de ce texte, les PTCE sont constitués par le regroupement sur un même territoire d’entreprises de l’ESS, « qui s’associent à des entreprises, en lien avec des collectivités territoriales et leurs groupements, des centres de recherche, des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, des organismes de formation ou toute autre personne physique ou morale pour mettre en œuvre une stratégie commune et continue de mutualisation, de coopération ou de partenariat au service de projets économiques et sociaux innovants, socialement ou technologiquement, et porteurs d’un développement local durable ».

« Faire ensemble »

En introduction de l’enquête du Labo de l’ESS, son président, Hugues Sibille, rappelle que « chaque mot compte dans le sigle “PTCE”, en particulier “territoire” et “coopération” ». Le premier parce que « l’un des enjeux de notre temps est d’équilibrer la mondialisation par une économie de proximité, enracinée, durable, créatrice de nouvelles formes d’emploi ». Quant à la coopération, Hugues Sibille souligne qu’il « convient d’apprendre à faire ensemble, créer des alliances d’intérêt général, des communautés pour l’action ».

Conduite avec le soutien du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et de la Caisse des dépôts, cette enquête a été réalisée auprès d’un échantillon de 50 PTCE – sur 160 recensés en France –, soit 740 structures, et a porté sur des données de 2015. Le rapport rend compte des données consolidées de 24 PTCE, sélectionnés parmi les questionnaires les plus aboutis, représentant 187 structures, dont 72 dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Secteurs d’activité multiples

Ce travail vient confirmer des éléments jusqu’alors constatés empiriquement. Sur le plan de la diversité des champs d’intervention d’abord : si les secteurs d’activité représentés au sein des PTCE sont multiples, le Labo de l’ESS souligne que « les écoactivités, les activités liées à l’emploi et à la sécurisation des parcours socio-professionnels, l’alimentation et l’agriculture durable et la culture et les industries créatives sont les principales citées parmi les structures interrogées ». En revanche, la formation et l’action sociale sont peu représentées dans les activités des membres de PTCE (respectivement 3 % et 1 %).

Autre donnée : parmi les 187 structures étudiées, 23 % relèvent de l’insertion par l’activité économique (IAE). Par ailleurs, « le statut associatif est le plus représenté au sein des structures étudiées, avec 57 % de réponses. Les SARL [sociétés à responsabilité limitée] et les SCIC [sociétés coopératives d’intérêt collectif] sont loin derrière, avec respectivement 9 % et 8 % de structures représentées. Suivent les collectivités territoriales (7 %) ».

Au-delà de ces données statistiques, cette enquête vient rappeler que la constitution en PTCE est motivée par des valeurs communes aux acteurs de l’ESS. « Parmi celles-ci, et sans surprise, nous constatons que la coopération (91 %), la mutualisation (82 %), le [renforcement du] lien social et la solidarité (67 %) sont les principales valeurs fondatrices qui ont prévalu au lancement des 24 PTCE répondants », écrit le Labo de l’ESS. Le PTCE Domb’Innov, implanté dans l’Ain, l’un des 24 pôles retenus dans l’enquête, se définit comme un « développeur de services d’utilité sociale avec les acteurs et habitants du territoire ». Regroupant aujourd’hui une vingtaine de structures (gestionnaire d’accueil « petite enfance », centres sociaux, ateliers et chantiers d’insertion, entreprises, services à la personne…), il « a permis la création d’une centaine d’emplois en cinq ans, ainsi que des activités nouvelles, confie Armand Rosenberg, directeur de Valhorizon, la structure porteuse du PTCE. Cette dynamique est portée par l’ensemble des membres, sachant que Domb’Innov repose sur un système extrêmement ouvert ». Ainsi, lorsqu’un projet émerge, s’y attellent les membres intéressés afin de vérifier rapidement l’hypothèse de départ – besoin d’un nouveau service, potentiel de développement d’une nouvelle activité… – sur le terrain.

Valeurs fondatrices

Parmi les initiatives nées de cette coopération figure notamment une ressourcerie structurée en chantier d’insertion, qui emploie 25 salariés. « Elle est née d’un premier projet de réponse à un marché public de gestion de déchets qui n’a finalement pas abouti », raconte Armand Rosenberg. Mais l’idée d’une activité dans ce domaine est lancée, une expérimentation est mise sur les rails, coordonnée par un chef de projet et une association créée à cet effet par les membres du PTCE. L’ingénierie financière est assurée par Valhorizon, chacun des membres pouvant également apporter une part de financement, complétée par des soutiens publics.

Cette approche pragmatique de réponse à un besoin du territoire est partagée par de nombreux pôles. Lors de la journée du 5 juillet, Dominique Olivier, directeur de la coopérative agricole Fermes de Figeac (Lot), porteuse du PTCE Figeacteurs, l’a résumé de façon tout aussi pragmatique : « Chacun seul, on ne sait pas faire, ensemble, on peut faire. » Avant de définir le PTCE comme un « facilitateur territorial ».

Bénéfices humains et financiers

L’un des ressorts de cette dynamique repose sur les mutualisations en œuvre dans les PTCE. Selon l’enquête d’analyse du Labo de l’ESS, celles-ci sont de cinq ordres : mutualisations de compétences (79 %), à savoir le « partage de savoirs et d’expériences », de connaissances (76 %), de lieux (58 %), de moyens matériels (44 %) et de moyens financiers (27 %). « Ces mutualisations encouragent des formes de coopération innovantes », a pointé Françoise Bernon, déléguée générale du Labo de l’ESS, lors de la présentation des résultats de l’enquête. Ces coopérations sont en majorité d’ordre stratégique (participation aux instances de gouvernance d’une structure membre du PTCE, projets de coopération territoriale, mise en place de conventions de partenariat, mise à disposition de personnel) et commercial (calcul commun des coûts, offre commerciale mutualisée, développement de projets sur l’économie circulaire de type plateforme de compostage).

Les structures interrogées voient également dans le PTCE un moyen de renforcer le tissu économique local et l’« ouverture sur de nouveaux champs d’action ». Ainsi, à la question de savoir si l’appartenance à un pôle territorial peut avoir des répercussions sur la vie locale, l’enquête souligne que « les bénéfices humains et financiers induits par une organisation en PTCE incitent les structures membres à contribuer, à leur tour, à la dynamique de leur territoire. Cela se traduit majoritairement par du bénévolat auprès d’autres structures extérieures, mais aussi du mécénat (financier et de compétences) ou encore la dispense de formations ». Enfin, « deux tiers des structures membres des PTCE relèvent que leur appartenance à un PTCE a un impact sur la gestion des ressources humaines : la qualité des relations professionnelles (59 %), la mobilité entre structures des salariés (49 %) et une meilleure gestion d’emplois (41 %) sont citées parmi les principaux impacts ».

D’un point de vue qualitatif, les principaux effets de la coopération ressentis par les membres d’un PTCE sont « le développement d’une proximité entre acteurs » (pour 47 % des répondants), la sortie de l’isolement (27 %) et « l’installation d’un climat de confiance » (24 %). La constitution en pôle facilite également le « développement de réponses collectives innovantes pour répondre aux besoins des entreprises et des citoyens » (55 %).

Nouveaux services

En Isère, par exemple, le PTCE Alpen (Alpes Energie) s’est constitué afin de mettre les atouts du territoire dans le champ de l’énergie (innovation, expertise technologique) au service de problématiques sociales. Porté par le groupe Ulisse, qui réunit plusieurs structures de l’insertion par l’activité économique (ateliers et chantiers d’insertion, association intermédiaire, entreprise d’insertion…), l’objectif du pôle Alpen est de « mettre en place des solutions qui n’existent pas et qui viennent compléter les dispositifs classiques de lutte contre la précarité énergétique », explique Laurent Pinet, directeur du groupe Ulisse. Le PTCE associe ainsi les collectivités locales du bassin grenoblois (communauté d’agglomération, ville, département), des acteurs de l’ESS (principalement les structures d’insertion par l’activité économique [SIAE] du groupe Ulisse), du logement et de l’habitat social, des chercheurs, des entreprises – bâtiment, fournisseur d’énergie… –, des start-up du secteur de l’énergie et du chauffage individuel, des grands groupes comme Schneider Electric… « En mettant tous ces gens autour de la table, nous parvenons à créer de nouveaux services et produits pour les ménages, notamment les ménages en précarité », témoigne Laurent Pinet. Les objectifs du pôle consistent à « lever les freins qui, en matière de logement, empêchent d’atteindre les objectifs fixés par les politiques publiques », à « intégrer la logique de parcours des habitants dans la maîtrise de l’énergie pour les accompagner sur les usages et enclencher leur décision sur des solutions de maîtrise de l’énergie », à « travailler sur l’évolution des métiers et l’émergence de nouveaux métiers » et à « faciliter la coopération, le partage d’expériences et l’essaimage des bonnes pratiques ».

Meilleure visibilité

Alpen fait partie de la dizaine de PTCE participant à la « communauté apprenante » sur le lien entre PTCE, emploi et sécurisation des parcours, mis sur pied en 2015 par la fédération Coorace et dont les travaux doivent être finalisés d’ici à la fin de l’année(4). « Une communauté apprenante réunit un ensemble d’acteurs autour d’un même sujet, qui essaient de répondre à des questions à partir d’échanges de pratiques, d’analyses critiques, en interrogeant les actions menées au prisme de cette thématique », explique Sébastien Galtier, chargé de mission « innovations sociales » chez Coorace. Il rappelle que les PTCE « portent tous ce principe de développement local et solidaire, qui est à la base de leur action ».

Les observations faites dans le cadre de ce travail(2) confirment les enseignements de l’enquête d’analyse du Labo de l’ESS, en particulier sur les impacts des coopérations. Le regroupement des acteurs au sein du PTCE les rend chacun « plus visibles et leur donne une plus grande marge de manœuvre pour l’expérimentation et la négociation avec les pouvoirs publics, notamment pour des offres de formation et de mise en situation professionnelle ». C’est le cas au sein du PTCE Alpen : outre le développement de solutions de lutte contre la précarité énergétique, Alpen porte en effet une logique d’insertion, de qualification et d’accès à l’emploi. « Lorsque l’on intervient sur des chantiers avec des entreprises privées, elles peuvent repérer des personnes en insertion tandis que l’activité du pôle apporte aussi un potentiel d’activités, lui-même générateur d’emplois », illustre Laurent Pinet. Deux ans et demi après la création du pôle, trois emplois ont été créés par des entreprises membres. Et, l’année dernière, cinq personnes ont été formées à la pose d’un nouveau matériel énergétique, ce qui devrait leur permettre de trouver un emploi durable. Si ces résultats peuvent apparaître « modestes » (l’objectif sur trois ans est de contribuer à la création de 18 emplois), Laurent Pinet rappelle l’important travail d’animation nécessaire en amont, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre deux poids lourds de l’énergie concurrents autour de la même table et de leur faire monter un projet en commun. « Chacun, avec son intérêt particulier, contribue à trouver des réponses à l’intérêt général », résume-t-il.

Cellule d’animation

La fonction d’animation est l’un des éléments identifiés dans l’enquête d’analyse des PTCE comme étant un facteur essentiel de pérennisation et de développement d’un pôle. « Elle peut être assurée soit par une structure juridique autonome créée spécifiquement (cellule d’animation), soit par une des structures du PTCE avec son activité propre (structure porteuse) », peut-on lire dans l’enquête. Pour autant, celle-ci n’a pas permis de savoir s’il fallait « créer une structure spécifique pour assurer l’animation du pôle, ou [si] une structure membre du regroupement [pouvait] être en capacité de l’assumer ». Comme l’a souligné, le 5 juillet, Dominique Olivier, du PTCE Figeacteur, il est en tout état de cause nécessaire de pouvoir financer cette fonction pour porter les projets mis en œuvre par le pôle. D’après l’enquête, 10 % des équivalents temps plein investis dans le PTCE sont consacrés à l’animation et à la coordination, avec des variations importantes, ce ratio pouvant aller de 0 % (les personnes impliquées dans le développement du PTCE sont bénévoles) à 38 % selon les pôles.

Le Labo de l’ESS entend pour sa part poursuivre le travail de capitalisation engagé sur les PTCE et souhaite que leur avenir « s’inscrive dans une dynamique d’accompagnement nationale construite autour d’une cellule d’animation et dotée d’un outil de mesure qui permettra de poursuivre ce travail d’importance », peut-on lire en conclusion de son enquête.

Le savoir-faire de l’IAE

En 2015, le Labo de l’ESS a, à la suite d’une commande de la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) d’Ile-de-France, produit une étude intitulée « Investigation des modèles économiques des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), intégrant la dimension insertion par l’activité économique (IAE) ». L’une des complémentarités identifiées entre les structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) au sein d’un même PTCE concerne la structuration de l’économie locale, de laquelle découle la logique d’offre d’insertion, construite sur le diagnostic des besoins du territoire et le potentiel d’activités sur des filières locales. Les SIAE « trouvent leur complémentarité économique dans l’ancrage de leur réponse aux besoins de services par une activité mobilisant la main-d’œuvre locale ». Cette enquête de 2015 a montré également que dans les quartiers politiques de la ville, les PTCE constituent « un levier économique à plusieurs titres : ils élaborent de l’activité économique d’utilité sociale qui mobilise les populations cibles [et] portent des ingénieries capables d’expérimenter et transmettre un savoir-faire “coopératif” au service de projets inscrits dans la politique de la ville ». Par ailleurs, les actions de coopération qui caractérisent les PTCE permettent de « renforcer la pérennité économique » des associations d’insertion (AI) et des ateliers et chantiers d’insertion (ACI). « Le principal levier identifié pour la pérennité des AI semble être la croissance de leur activité économique. Par sa mission de développement d’activités, le PTCE est légitime dans l’identification de gisements pour les AI. Lorsqu’il est déjà expérimenté sur le développement de l’offre de mise à disposition de personnel, il peut contribuer ainsi à réunir le volume d’heures nécessaire à un équilibre de plus en plus précaire pour ces SIAE, dont l’activité est souvent autofinancée à plus de 90 % pour être viable ». Pour les ACI de petite taille, le PTCE favorise la mutualisation de moyens matériels et de ressources humaines permanentes entre membres de la coopération, constituant « une alternative à la fusion de structures souvent identifiée comme la solution in fine lorsque l’équilibre économique pérenne est menacé ».

Notes

(1) Etude à télécharger ici : goo.gl/ReeVp8.

(2) Le Labo de l’ESS anime depuis 2010 le comité de pilotage national sur les PTCE.

(3) Voir ASH n° 2887 du 12-12-14, p. 51.

(4) La capitalisation de ce travail – qui bénéficie d’un financement de la Fondation de France – est attendue pour fin 2017-début 2018.

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