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Services à la personne : une proposition de « tiers payant » fait débat

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Comment faire pour que le crédit d’impôt aux usagers des services à la personne soit versé sans délai ? Des organisations d’employeurs proposent une avance de frais par les banques, qui ne fait pas l’unanimité.

L’idée est présentée comme un « formidable scénario vertueux » qui « relancerait l’activité du secteur et créerait environ 200 000 emplois ». Dans une tribune publiée par le Journal du dimanche le 19 août(1), des représentants des entreprises (MEDEF, ETHIC et les Chantiers de l’entreprenalisme), la Fédération du service aux particuliers (FESP) et la Fédération bancaire française (FBF) livrent « une solution au problème de trésorerie des ménages » qui recourent aux services à la personne. Il s’agit de remédier au « décalage dans le temps du remboursement du crédit d’impôt auquel ils ont droit ». Ce crédit, désormais accessible à tous(2), couvre 50 % du coût du service – ou plus exactement du reste à charge lorsque l’usager touche une aide comme l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).

Les signataires suggèrent de mettre fin à l’avance de cette moitié par les ménages : les banques la verseraient à leur place aux professionnels des services à la personne. L’Etat rembourserait « comme auparavant, au bout de 12 à 18 mois, non plus les particuliers, mais les banques ». Les avances transiteraient par « des opérateurs de type CESU [chèque emploi service universel] ou financiers ». Résultats escomptés : un boom de l’activité du secteur et des « rentrées de cotisations fiscales et sociales dans les comptes publics estimées à 1 milliard d’euros ». Le tout « sans avoir demandé à l’Etat de bourse délier, mais au contraire avec un engagement des acteurs privés concernés à investir plusieurs centaines de milliers d’euros pour assurer les développements informatiques » nécessaires à ce service. Cela suppose de « changer la loi » pour permettre aux banques de « mobiliser des créances fiscales d’un ménage avec la même facilité qu’elles avancent [déjà] le montant de factures en attente de règlement d’une entreprise ».

« Qui paiera ? »

En forme de « oui, mais », la réponse des quatre fédérations d’employeurs de la branche de l’aide à domicile (Adessadomicile, ADMR, FNAAFP/CSF, UNA) est arrivée par un communiqué du 7 septembre. Pour elles, « cette proposition peut être intéressante », car elle permettrait de « développer des activités et des emplois et lutter contre le travail au noir ». « Tous les modes d’intervention » seraient concernés : « particulier employeur, entreprise commerciale ou non lucrative et service public territorial ». Pour autant, les organisations « restent prudentes » sur les créations d’emplois escomptées : le chiffre de 200 000 « est à confirmer », d’autant que le secteur « connaît d’énormes difficultés de recrutement ». De plus, « la tribune ne dit rien sur la manière dont les banques entendent se rémunérer pour effectuer cette avance de trésorerie […]. Qui paiera ? Le particulier ? L’Etat ? »

Du côté de la FESP, la réponse est claire : les frais seraient à la charge des structures et professionnels des services à la personne, a précisé aux ASH son président, Maxime Aiach. Cela représenterait « 2 % ou 3 % » de la moitié actuellement avancée par les ménages (soit de 1 % à 1,5 % du coût total), ce qu’il juge « extrêmement raisonnable ». Ce système resterait facultatif, mais les services utilisateurs feraient « plus que s’y retrouver », a-t-il promis. Leur activité pourrait croître de 20 % à 30 %, selon une première présentation du dispositif faite en février dernier par la FESP et l’ADMR avec le cabinet de conseil Oliver Wyman(3). Le projet de la tribune repose sur « la même base », confirme Maxime Aiach. Il s’inspire de l’exemple de la Suède, qui a connu une hausse de la demande de 30 % après le lancement, en 2009, d’un mécanisme similaire, géré par l’Etat. Mais en France, cela représenterait des sommes plus importantes et l’Etat n’a « pas les capacités financières » suffisantes, estime le président de la FESP. D’où le recours aux établissements financiers.

C’est là que, politiquement, se situe le débat. L’ADMR n’a pas cosigné la tribune dans le Journal du dimanche, non seulement car elle préférait communiquer avec les autres fédérations de la branche, mais aussi parce qu’elle souhaiterait permettre une avance des sommes par la Banque publique d’investissement (BPI) ou la Caisse des dépôts et consignations, « à côté des banques » privées, a expliqué aux ASH Christian Fourreau, directeur adjoint chargé des finances. Mais hors de ce point, l’ADMR milite toujours pour le projet, convaincue que de nombreux ménages renoncent à des services déclarés à cause de l’importance des frais à avancer. Le nouveau système serait un « fantastique appel d’air » pour le secteur, a renchéri Christian Fourreau.

« Marketing » hasardeux

A l’Union nationale des associations de soins et services à domicile (UNA), le ton est nettement moins enthousiaste. Pour son président, Guillaume Quercy, l’idée d’une avance est « pleine de bon sens », mais « le paradoxe, c’est que les banques vont faire de l’argent sur un secteur qui en manque ». Quant à l’estimation de 200 000 emplois à créer, « c’est un argument marketing », qui revient à « vendre du rêve », a-t-il raillé. Le risque, si les résultats ne sont pas au rendez-vous, est de « renchérir le coût » des services pour l’usager, voire de fragiliser encore la santé financière des structures, a-t-il averti. L’UNA se montre échaudée par le CESU, notant que pour un service prestataire, le traitement en interne des chèques représente déjà « environ 2 % du coût horaire ». Pour Guillaume Quercy, la priorité reste de mieux financer l’aide à domicile pour garantir l’« égalité de l’accès » à des services « de qualité ». De son côté, la CFTC santé-sociaux soutient l’idée d’un tiers payant, tout en se disant « vigilante pour que les retombées positives sur ces secteurs favorisent le passage à temps plein des salariés et améliorent leurs conditions de travail », selon un communiqué du 30 août.

Le dispositif verra-t-il le jour, et quand ? Le gouvernement n’a pas encore répondu. Maxime Aiach se dit optimiste, ajoutant que la plupart des outils sont prêts et que le projet pourrait être déployé dès le 1er janvier en cas de feu vert de l’Etat. Dès lors, le secteur ne lâchera pas des yeux, cet automne, les débats du projet de loi de finances pour 2018.

Notes

(1) Lien vers la tribune : https://goo.gl/zsLz4i.

(2) Auparavant réservé à la population active, le crédit d’impôt a été ouvert à tous les contribuables à compter de l’imposition des revenus de 2017. Voir ASH n° 2979 du 14-10-16, p. 61.

(3) Lien vers l’étude : https://goo.gl/q6jrBC.

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