Des plaisanteries sur les vidéos violentes diffusées par Daech au cours sur la décolonisation, de la minute de silence pour Charlie Hebdo à la leçon sur l’apparition de l’islam, Jean-François Chemain, professeur d’histoire-géographie dans un collège de la banlieue lyonnaise, vit régulièrement dans sa classe des moments déstabilisants. Le titre en forme d’interrogation du petit livre dans lequel il raconte son quotidien – Tarek, une chance pour la France ? – résume sa perplexité. Pendant quatre ans, Tarek s’est trouvé dans la classe de Jean-François Chemain. « Une forte tête au grand cœur, un garçon intelligent », mais aussi « très contradictoire », capable de clamer son soutien aux soldats napoléoniens engagés à Waterloo par un sonore « La France aux Français ! », tout comme de menacer le prof de « lui mettre une bombe », après une remarque interprétée comme une insulte à la religion. Alors Jean-François Chemain s’interroge : l’islam du « ghetto » et des « dominés » contre la culture des « Français du centre-ville », un « avatar de la lutte des classes » ? Tarek tombera-t-il un jour dans la radicalité ? Selon l’enseignant, il n’est pas simple de transmettre l’« âme républicaine » quand le programme aborde les guerres de religion, l’esclavage, la colonisation, la collaboration… Pas question, pour autant, de blâmer l’enfant lui-même ou ses camarades pris isolément : « Tarek est travaillé par des forces puissantes et structurelles qui le dépassent, et dont il n’est que la marionnette », affirme le prof. La réponse, paradoxale et désabusée, à la question du titre arrive en fin d’ouvrage : « Oui, Tarek est une chance pour la France, parce qu’il va l’obliger à s’estimer enfin elle-même, ou à disparaître. »
Tarek, une chance pour la France ?
Jean-François Chemain – Ed. Via Romana – 15 €