Après l’adoption cet été du projet de loi d’habilitation(1) et plusieurs réunions bilatérales entre le gouvernement et les partenaires sociaux, le Premier ministre et la ministre du Travail ont présenté, le 31 août, cinq ordonnances visant à réformer le droit du travail. « Ce qui est en jeu, c’est changer l’état d’esprit du code du travail », en donnant notamment plus de souplesse aux entreprises pour « anticiper », « s’adapter », via « un dialogue plus fort avec les salariés et les représentants du personnel », a indiqué la ministre Muriel Pénicaud. Et de rajouter : « le code du travail fixe les principes et pose le cadre, et à l’intérieur de ce cadre, c’est désormais la négociation qui fixera les règles de fonctionnement dans l’entreprise et dans la branche ». Ces textes doivent être soumis aux instances consultatives (Commission nationale de la négociation collective, caisses de sécurité sociale, Conseil national d’évaluation des normes…) durant la première quinzaine de septembre, avant d’être présentés en conseil des ministres le 22 septembre. Ils pourront entrer en vigueur après leur signature par le chef de l’Etat.
Parmi les 36 mesures énoncées, figurent notamment le plafonnement des indemnités prud’homales, la négociation sans syndicat dans les petites et moyennes entreprises (PME), la fusion des instances et les ruptures conventionnelles collectives. Un tour d’horizon des principales mesures.
Les ordonnances prévoient de plafonner les indemnités prud’homales – actuellement laissées à la discrétion du juge mais souvent au moins équivalentes à six mois de salaire – en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire jusqu’à deux ans d’ancienneté. Ces indemnités augmentent progressivement jusqu’à 20 mois de salaire à partir de 30 ans d’ancienneté. Pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail, précisent les ordonnances.
Dans les très petites entreprises (TPE de moins de 11 salariés), ce plancher sera fixé à 15 jours de salaire à partir de un an d’ancienneté, puis augmentera progressivement jusqu’à deux mois et demi de salaire à partir de neuf ans d’ancienneté.
Toutefois, ce plafond ne s’applique pas en cas de discrimination ou d’atteinte aux droits fondamentaux du salarié. Dans ce cas, l’indemnité ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, indiquent les documents.
En contrepartie, les indemnités légales passeront à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté, contre 1/5 de mois aujourd’hui. Cette mesure, annoncée au cours de la présentation, ne figure pas dans les textes des ordonnances et devrait faire l’objet d’un décret.
Par ailleurs, lors d’une procédure de licenciement, un vice de forme ne pourra plus empêcher un examen sur le fond. L’erreur formelle sera sanctionnée au maximum de un mois de dommages et intérêts. En outre, pour éviter les erreurs de procédure, les employeurs et les salariés auront accès à un formulaire type.
La règle de l’accord majoritaire (signé par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés) dans les entreprises sera généralisée dès le 1er mai 2018, au lieu du 1er septembre 2019 – date initialement prévue par la loi « travail » du 8 août 2016(2).
Pour rappel, pour être valide, un accord d’entreprise ou d’établissement doit être signé par l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales qui rassemblent plus de 50 % des suffrages (contre 30 % aujourd’hui). A défaut, si cette condition n’est pas remplie et si l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés, une ou plusieurs de ces organisations peuvent déclencher une consultation des salariés. Pour l’instant, cette règle de l’accord majoritaire ne s’applique qu’aux accords d’entreprise de préservation ou de développement de l’emploi(3) signés depuis le 9 août 2016, ainsi qu’aux accords collectifs qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés signés à partir du 1er janvier 2017.
Dans les entreprises de moins de 20 salariés sans élus du personnel, l’employeur pourra soumettre à référendum un projet d’accord sur les thèmes ouverts à la négociation d’entreprise. Une majorité des deux tiers sera nécessaire pour le valider.
Dans les entreprises qui comptent 11 à 49 salariés, l’employeur pourra, en l’absence de délégués syndicaux, négocier avec un élu non mandaté par un syndicat.
Il est prévu de fusionner d’ici à 2020 les délégués du personnel (DP), le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans un « comité social et économique ». Celui-ci conservera les compétences des trois instances et pourra agir en justice.
Une commission santé, sécurité et conditions de travail, de type CHSCT, subsistera dans les entreprises d’au moins 300 salariés. En dessous de 300 salariés, de telles commissions existeront dans les entreprises du nucléaire ou classées Seveso (sites dangereux). Pour les autres entreprises, l’inspection du travail pourra imposer la création d’une telle commission. Les entreprises pourront aussi conserver, par accord, des DP.
En outre, par accord, il sera possible de fusionner les délégués syndicaux dans une instance unique nommée « conseil d’entreprise ». Son aval sera nécessaire sur certains sujets, notamment sur le plan de formation.
Les sujets de négociation seront divisés en trois blocs :
→ l’accord de branche primera notamment en matière de minima conventionnels, de classifications, de mutualisation des financements paritaires (prévoyance, formation…), de gestion et qualité de l’emploi (temps partiel, contrats courts…) et d’égalité professionnelle ;
→ la branche peut décider si ses accords priment ou non sur les accords d’entreprises sur les questions, notamment, de pénibilité, de handicap, de conditions d’exercice d’un mandat syndical et de primes pour travaux dangereux ;
→ sur tous les autres sujets (prime d’ancienneté, 13e mois…), c’est l’accord d’entreprise qui prime.
Le gouvernement prévoit de laisser aux entreprises la possibilité, par accord homologué par l’administration, de lancer des plans de départs volontaires autonomes, en dehors de plans sociaux. L’accord devra prévoir le niveau d’indemnités de tous les salariés volontaires. Actuellement, les séparations à l’amiable ne peuvent être conclues qu’individuellement.
(1) Sur le projet de loi d’habilitation, actuellement en cours d’examen devant le Conseil constitutionnel, voir ASH n° 3017 du 30-06-17, p. 5.