Aux marges de la ville

Perrache est à la fois le centre multimodal traditionnel de Lyon et un quartier à fortes traditions populaires. Entre 2011 et 2013, c’est dans ce « lieu de refuge et éventuellement de solidarité pour les déshérités de toutes sortes » que se sont installés plus d’une centaine de demandeurs d’asile des Balkans et du Caucase, dont des familles avec de jeunes enfants. D’abord sur la plateforme de taxis, un espace « vide, neutre et en apparence parfaitement inutile ». Puis place Carnot, devenue en quelques semaines « un véritable camp d’attente des réfugiés en déshérence », avant qu’ils soient relégués, au fil des expulsions, dans des espaces « abominables » : l’entrée nord du tramway, un squat sous un pont… Intellectuel engagé, Michel Jouard habite le quartier. Sensibilisé aux difficultés des réfugiés lorsqu’il vivait près du centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) de Miribel, il s’est tout naturellement investi auprès des naufragés de Perrache, soutenus par des associations de solidarité locales. Un combat de longue haleine, souvent décourageant et source de désillusions, notamment à l’égard de certaines associations, débordées et, selon lui, « institutionnalisées ». L’accompagnement des familles reposant alors sur de nombreux bénévoles et certains travailleurs sociaux, tous animés d’un « professionnalisme humain » qui fut pour l’auteur « une totale découverte et la source d’un émerveillement ému ». Après avoir concédé quelques relogements, mairie et préfecture ont méthodiquement « verrouillé » tous les espaces disponibles. Sans rien régler. Se contentant de repousser les migrants « dans les marges troubles de la ville », les excluant de fait de toute forme de solidarité associative.