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Santé mentale et dangerosité : « lutter contre les représentations »

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Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, a annoncé le 18 août son intention de mobiliser les psychiatres pour repérer les personnes radicalisées pouvant passer à l’acte, ce qui a déclenché la colère des syndicats professionnels, de l’Ordre des médecins et de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques. Réaction de Jacques Marescaux, président de la fédération Santé mentale France, qui y voit aussi un danger pour le secteur médico-social.
Que vous inspirent les propos du ministre ?

Sur le plan des principes, ces déclarations me heurtent, même s’il n’est pas sûr qu’il en ressorte grand-chose, sauf à modifier le cadre législatif sur le secret médical, ce qui aurait de graves conséquences(1). Pour un gouvernement qui prône les réformes, cet amalgame entre folie et dangerosité revient à la logique des ministres de l’Intérieur qui a prévalu au XIXe siècle et au début du XXe siècle, pour qui la psychiatrie était considérée comme une auxiliaire de la police pour maintenir l’ordre public. Nombreux ont été les professionnels à réagir en disant que la plus grande partie des malades mentaux sont beaucoup plus souvent victimes, dans le retrait et l’isolement, qu’agresseurs. Le psychiatre David Gourion a indiqué, dans une interview parue dans Le Monde du 24 août, qu’une étude publiée en 2016 par le British Journal of Psychiatry montre que les jeunes les plus radicalisés ne présentent pas plus de pathologies psychiatriques que les autres.

Le soin est présent dans les dispositifs pluridiciplinaires de prévention de la radicalisation…

Des coopérations existent dans une approche psycho-sociale pour aider certaines personnes psychologiquement fragiles. Mais les terroristes qui agissent en bande, recrutés par des filières, ne présentent pas de troubles relevant de la psychiatrie, à l’inverse de certaines personnes qui commettent des actes isolés, pour lesquels la piste terroriste est en général écartée, comme à Marseille ou à Sept-Sorts. Sans compter qu’il est très compliqué de prédire en psychiatrie. Si un lien entre terrorisme et trouble mental peut exister au cas par cas, le généraliser en évoquant son impact sur la sécurité, c’est de la com. La lutte contre le terrorisme ne relève pas de la psychiatrie, mais d’une politique de démantèlement de l’appareil doctrinal de l’organisation Etat islamique.

Que craignez-vous ?

La levée du secret professionnel est prévue par le code pénal pour empêcher un passage à l’acte dangereux pour autrui. Les psychiatres s’en saisissent, mais ce n’est pas la même chose de l’appliquer à leur initiative que de la généraliser. Nous attendons donc que la ministre des Solidarités et de la Santé prenne rapidement position. En outre, le ministre de l’Intérieur a évoqué la psychiatrie probablement par facilité, mais la prise en charge du handicap psychique et le secteur médico-social sont sans doute aussi visés. L’organisation de ces signalements aurait pour conséquence l’enfermement, en contradiction avec les projets territoriaux de santé mentale et la politique de désinstitutionnalisation recommandée par le Conseil de l’Europe – et déjà mal mise en œuvre en France(2). Certains choix montrent qu’on prend le problème à l’envers : une partie importante des marges de manœuvre financières de ces 15 dernières années a été consacrée à la création de structures hospitalières pour malades difficiles, alors qu’il aurait fallu prioriser la prévention et l’intervention précoce.

La stigmatisation des malades est aussi redoutée.

Les déclarations du ministre traduisent un manque de connaissance de ce que sont les troubles mentaux. Pour cette raison, Santé mentale France est en train de travailler, avec l’Infipp, organisme de formation professionnelle spécialisé à Villeurbanne, à la création d’un système d’aide au premier secours en santé mentale, à l’instar de ce qui existe dans une vingtaine de pays, notamment en Australie. L’idée est de former des publics divers – personnel des ressources humaines, bailleurs, policiers, pompiers, personnel des services publics… – à une première approche de ce que sont les troubles mentaux et les dispositifs d’accompagnement et de soins, afin qu’ils aient les outils nécessaires à une réaction adaptée et pour lutter contre les fausses représentations.

Notes

(1) Interrogés par les ASH sur la concrétisation de ce projet, les services de Gérard Collomb et d’Agnès Buzyn n’ont pas répondu avant notre mise sous presse.

(2) Sur les critiques du commissaire européen aux droits de l’Homme, voir ce numéro, p. 5.

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