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Le contrat s’impose dans la tarification des ESSMS

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Un récent décret simplifie la nomenclature des ESSMS accompagnant des personnes handicapées ou malades chroniques. Il modifie en outre le contenu des autorisations délivrées aux structures du secteur du handicap. Pour Sébastien Pommier, directeur général de l’association Le Clos du nid, ce texte pourrait consacrer la place centrale du CPOM entre les gestionnaires d’établissements et services et les autorités de tarification.

« Et si le décret n° 2017-982 du 9 mai 2017 “relatif à la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux [ESSMS] accompagnant des personnes handicapées ou malades chroniques”(1) constituait une révolution, au moins autant que les conclusions à venir du groupe technique national (GTN) Serafin-PH(2) ? L’activité des ESSMS soumis à autorisation se caractérise principalement par sa spécialité, c’est-à-dire par la nature des prestations offertes et les publics auxquels ces prestations sont destinées. Clé de voûte de l’autorisation administrative de fonctionner, cette spécialité va conditionner les droits et les obligations du gestionnaire qui en est titulaire et que l’on peut synthétiser en trois points.

1. Le “droit de faire” : l’autorisation est, pour tout ESSMS, un préalable obligatoire à l’exercice de son activité.

2. Le “pouvoir de faire” : l’autorisation entraîne, sauf mention contraire, des dispositions à portée financière (habilitation à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale, autorisation de dispenser des prestations prises en charge par l’Etat ou les organismes de sécurité sociale).

3. L’“obligation de faire” : la spécialité et la capacité contenue dans l’autorisation d’un ESSMS constituent les seules limites à l’accueil d’une personne “frappant à sa porte”.

Paradoxalement, la spécialité, dont on vient de rappeler le caractère fondamental, est très peu encadrée, et surtout pas définie par le code de l’action sociale et des familles (CASF). Ce dernier ne dispose donc que des termes de l’article L. 312-1 pour définir la nature de l’activité exercée.

Face à ce vide, ce sont le plus souvent les nomenclatures issues du fichier national des établissements sanitaires et sociaux (Finess) qui ont permis de définir le contenu de l’autorisation et donc la spécialité de l’établissement ou du service, alors même qu’elles n’ont aucune valeur législative et réglementaire.

Ainsi, entre l’article L. 312-1 du CASF, légal mais insuffisamment précis, et un Finess précis mais insuffisamment légal, l’opportunité de disposer d’une nomenclature des ESSMS, simple (permettant de fluidifier les parcours) et reposant sur des bases juridiques solides (s’agissant en particulier de son opposabilité), a très vite émergé.

Une « triple plasticité »

C’est l’objet du décret n° 2017-982 qui va profondément assouplir le régime actuel des autorisations dans le sens d’une “triple plasticité”.

1. Une plasticité “horizontale” : les ESSMS pour enfants et adultes handicapés pourront, sur la base d’une seule autorisation, proposer l’ensemble des modes possibles de prise en charge, depuis l’hébergement complet jusqu’à l’accompagnement à domicile. Dans la logique de “qui peut le plus peut le moins”.

2. Une plasticité “verticale” : la liste des publics au bénéfice desquels les ESSMS pour enfants et adultes handicapés peuvent être spécialisés est considérablement simplifiée (passage de 30 à 10 items).

3. Une plasticité “transversale”, plus “quantitative” : en supprimant à l’article D. 312-16 la référence, pour les établissements qui accueillent des enfants ou adolescents présentant des déficiences intellectuelles, à toute limite du “nombre total de lits autorisés”, ce décret rend possible l’expression d’une capacité en nombre de personnes accompagnées simultanément et non plus en nombre de lits.

Si cette notion de “plasticité” s’inscrit sans ambiguïté dans le sens de l’histoire – travaux du GTN Serafin-PH, rapport “Zéro sans solution” de Denis Piveteau, démarche “Une réponse accompagnée pour tous”, dispositif intégré des ITEP (instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques)(3) – et traduit une intention vertueuse, elle porte en elle :

1. une limite, puisque la gestion des parcours ne peut évidemment pas se résumer à l’accroissement de la variété de l’offre sans s’intéresser à la question, au moins aussi essentielle, de son volume ;

2. un risque de rendre les autorisations particulièrement floues et de faire de chaque ESSMS une “réponse acceptable” à tous les problèmes auxquels doivent faire face les personnes en situation de handicap et leur entourage ;

3. une sorte d’inversion du modèle d’autorisation qui va mettre le contrat au cœur du système, à instar de la réforme récente du droit de la tarification – tarification à la ressource dès la signature d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), devenu obligatoire pour les ESSMS totalement ou partiellement sous compétence ARS (agence régionale de santé), selon une programmation arrêtée par elle. En l’espèce, nous évoluons ici d’un “modèle classique”, du type “autorisation, habilitation-tarification, convention-contractualisation”, à un “modèle partiellement inversé” du type “autorisation, contractualisation, tarification”.

Dans ce contexte, l’autorisation “triplement plastique” sera utilement complétée par les dispositions prévues au contrat (CPOM). Elles devront préciser, d’un point de vue quantitatif, le niveau de la “file active”, en conséquence de la modification de l’article D. 312-6 du CASF, ainsi que le coefficient de corrélation entre le taux de réalisation des éléments contractualisés et les moyens octroyés ; et, d’un point de vue qualitatif, sur la base de la nomenclature ad hoc du projet Serafin-PH, le périmètre des prestations fournies et les besoins auxquels elles doivent répondre.

Autrement dit, la nature ayant horreur du vide, le contrat devra naturellement prévoir ce que l’autorisation, devenue “plastique”, ne précisera plus. Ainsi, au-delà de l’intérêt majeur de passer d’une logique de “petites cases” à celle de “parcours”, ce décret confirme, si nécessaire, le positionnement de la contractualisation au cœur de la relation entre les gestionnaires et les autorités de tarification.

A ce stade, des questions se posent quant aux stratégies que vont développer, autour de ce décret, ces mêmes acteurs. Par exemple, on peut se demander comment vont s’en saisir :

1. d’une part, les ARS et les conseils départementaux qui, dans le cadre des prochains projets régionaux de santé et des schémas départementaux et des campagnes de contractualisation à venir, vont devoir articuler précisément besoins et réponses ;

2. d’autre part, les gestionnaires, qui devront clarifier, dans le cadre de CPOM devenus obligatoires, le lien entre objectifs et moyens et se singulariser afin de mettre en lumière leurs “spécificités particulières” (au sens de l’article R. 314-32 du CASF).

En tout état de cause, la recomposition qualitative de l’offre en ESSMS, portée par le rapport “Piveteau”, travaillée par le GTN Serafin-PH et engagée par le décret du 9 mai 2017, ne masquera pas ses carences quantitatives et va confirmer la place fondamentale du CPOM au “centre du dispositif” relationnel entre les gestionnaires et les autorités de tarification.

Notes

(1) Voir ASH n° 3013 du 2-06-17, p. 34.

(2) Voir ASH n° 3000 du 3-03-17, p. 19.

(3) Voir ASH n° 3009 du 5-05-17, p. 32.

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