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EHPAD : des colères sans trêve estivale

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Entre la grève des aides-soignantes de Foucherans et les inquiétudes sur la réforme de la tarification, les acteurs du secteur ont donné de la voix ces dernières semaines.

Peu mis en avant durant la campagne présidentielle, le sujet des maisons de retraite a refait irruption sur la place publique durant l’été, porté par la colère d’une quinzaine d’aides-soignantes de l’établissement Les Opalines, à Foucherans (Jura). Leur grève, d’une longueur exceptionnelle (117 jours), a été largement médiatisée, en particulier par le quotidien Le Monde(1), dans un reportage où ces salariées dénonçaient leurs conditions de travail : équipes débordées, toilettes et repas délivrés de façon expéditive… Fin juillet, les salariées ont obtenu satisfaction sur la plupart de leurs demandes, dont la création de deux postes d’aides-soignants supplémentaires, l’engagement de la direction de remplacer systématiquement les absences et des perspectives de revalorisations salariales.

Le quotidien du soir relevait que cet établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) privé à but lucratif se situait pourtant « dans la moyenne nationale, avec environ 55 professionnels pour 100 résidents »(2). De quoi inciter à voir Foucherans comme le symptôme d’une crise plus vaste. Les communiqués des syndicats et des fédérations se sont succédé. L’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA) a dit « comprendre » cette grève et partager « l’inquiétude des professionnels ». « La nouvelle ministre de la Santé [Agnès Buzyn] ne peut ignorer cette question plus longtemps », a clamé la CGT. La CFTC déplorait « l’état d’urgence des structures accueillant les personnes âgées ».

A la suite de ce mouvement, les députés de la commission des affaires sociales ont lancé une « mission flash » relative aux EHPAD, dont les conclusions sont attendues pour la mi-septembre (voir ce numéro, page 5). Joint le 23 août par les ASH, le président de l’AD-PA, Pascal Champvert, a salué cette démarche des parlementaires et a dit espérer qu’elle conduise bien, dans un second temps, à des travaux approfondis, y compris sur le financement de la perte d’autonomie. Il a fait valoir que d’autres grèves ont lieu régulièrement dans le pays, et qu’« il y aura d’autres Foucherans » car « des salariés n’acceptent plus l’inacceptable ». Pascal Champvert s’est par ailleurs préoccupé des économies envisagées par le gouvernement sur l’assurance maladie, sur les incertitudes qui concernent les contrats aidés et sur la réforme de la tarification des EHPAD.

Décret controversé

Ce dernier point a continué de semer la discorde pendant l’été. Alors qu’un décret du 21 décembre 2016 a revu les modalités de fixation des trois composantes du financement des EHPAD (les volets « soins », « dépendance » et « hébergement »), le point qui soulève les plus vives critiques est la refonte du tarif « dépendance » autour d’une équation (inspirée de celle qui existait déjà sur le tarif « soins »), ce qui conduira à revaloriser la dotation de certains établissements… mais fera aussi des perdants(3).

Fin juillet, la Fédération hospitalière de France (FHF) a demandé de nouveau un moratoire sur la réforme. L’Association nationale des cadres communaux de l’action sociale (Anccas) a fait de même, jugeant que le texte « va conduire à un appauvrissement global des structures » et craignant « la suppression de postes ». Le Syncass-CFDT(4) a publié un réquisitoire de quatre pages contre la refonte du tarif « dépendance », arguant qu’elle lèsera les EHPAD publics (en particulier hospitaliers) face aux établissements privés, en ne tenant pas compte des différences de charges salariales et de fiscalité. Le Syncass souligne que tous les départements ne calculent pas de la même façon le « point GIR départemental », l’une des variables de l’équation tarifaire, basée sur le niveau de dépendance des personnes hébergées. De plus, certains départements appliquent la réforme dès 2017, mais d’autres pas (ou seulement pour les établissements qui seront gagnants), observe le syndicat, déplorant ces disparités. Dans ce contexte, début août, Agnès Buzyn s’est dite « attentive aux inquiétudes exprimées au sujet de la réforme », promettant un bilan des « éventuels points de blocage ou difficultés » (voir ce numéro, page 5).

A l’écart de ce concert de protestations, le Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) se montre plutôt optimiste. Fin juillet, il a publié un communiqué sur la grève de Foucherans, jugeant qu’elle ne peut « en aucun cas permettre de porter un jugement global sur la totalité d’un secteur » qui figure « parmi les plus réglementés et les plus contrôlés ». Auprès des ASH, la déléguée générale du Synerpa, Florence Arnaiz-Maumé, a contesté l’idée d’un « drame » des EHPAD en France, assurant que « depuis 20 ans, des réformes ont permis améliorer le dispositif d’accueil ». Tout en estimant que « les vrais besoins » en matière de taux d’encadrement se situent probablement autour de 80 professionnels pour 100 résidents, elle a relevé que la moyenne française augmente continuellement. Elle est passée de 57 à 61 entre 2007 et 2011.

« Pour nous, il ne faut pas de grandes mesures », et le décret sur la tarification « nous convient » pour l’essentiel, a assuré Florence Arnaiz-Maumé. Elle a rappelé en particulier que des financements complémentaires à ceux issus des équations pourront être versés aux EHPAD, dans le cadre de leurs contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) avec les agences régionales de santé (ARS) et les départements. Reste à savoir avec quelle marge de manœuvre budgétaire : en 2018, il faudrait une hausse d’« au moins 2 % » de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) médico-social « personnes âgées » (fixé à + 2,9 % pour 2017), a-t-elle plaidé. Réponse en septembre, avec la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Notes

(1) « Vous avez vu comme elles sont fatiguées ? », Le Monde daté du 19 juillet.

(2) Selon les derniers chiffres publiés par la DREES, à la fin de l’année 2011, on comptait en moyenne 53 équivalents temps plein (ETP) pour 100 places dans les EHPAD privés à but lucratif (mais 61 pour l’ensemble des EHPAD).

(3) Deux instructions, du 21 mars et du 7 avril 2017, récapitulent les mesures de cette réforme. Voir ASH n° 3011 du 19-05-17, p. 36.

(4) Syndicat national des directeurs, cadres, médecins, chirurgiens-dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés-CFDT.

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