Le plan d’action national contre la traite des êtres humains de mai 2014 étant arrivé à son terme, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a procédé à son évaluation, dans un avis adopté le 6 juillet(1). Dans la continuité de son premier rapport d’évaluation, rendu le 10 mars 2016(2), la CNCDH déplore que sa « mise en œuvre [ne soit] pas à la hauteur des objectifs poursuivis ».
Dans le cadre de l’élaboration d’un deuxième plan d’action national contre la traite et l’exploitation des êtres humains, la CNCDH formule des pistes d’améliorations.
La CNCDH préconise la création d’une mission ou d’une délégation interministérielle spécifiquement chargée de coordonner la prévention et la lutte contre la traite des êtres humains, et la protection des victimes, afin de faire de cette lutte « une politique publique à part entière ». Cette instance, dotée d’un observatoire, devra être rattachée au Premier ministre, indique le rapport.
La CNCDH recommande également de « doter l’instance de coordination de la lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains des moyens financiers et humains nécessaires à son bon fonctionnement, et d’octroyer aux associations œuvrant pour le respect de la dignité humaine et la lutte contre toute forme d’exploitation des êtres humains les moyens nécessaires – concrets et durables – à la mise en œuvre de leurs actions de prévention et d’accompagnement des victimes ».
En outre, afin de sensibiliser le grand public aux différents types de traite et de victimes, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme souhaite que la lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains devienne une « grande cause nationale ».
La CNCDH relève que la compétence exclusive des forces de police et de gendarmerie dans l’identification des victimes n’est pas satisfaisante, un certain nombre de victimes ne souhaitant pas déposer plainte ou apporter leur témoignage par peur des représailles. Elle préconise ainsi que la procédure d’identification des victimes de traite d’êtres humains soit dissociée de la procédure pénale et qu’elle fasse intervenir des acteurs extérieurs, tels que des organisations nationales gouvernementales et des syndicats, habilités à détecter les victimes potentielles de traite d’êtres humains. L’identification des victimes devra être chapeautée par une autorité publique indépendante, indique la commission.
En attendant, il est demandé au ministère de l’Intérieur et à la MIPROF (mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains) de mettre en place une « procédure harmonisée d’identification des victimes au sein des différentes administrations »,afin que soient clairement identifiés des critères précis et communs d’identification des victimes.
En outre, la CNCDH demande la « déconnexion de la procédure de délivrance d’un titre de séjour de la procédure pénale », ainsi que l’attribution « de plein droit d’un titre de séjour à tout étranger […] à l’égard duquel des éléments concordants laissent présumer qu’il est victime de traite ou d’exploitation », procédure qui n’est applicable actuellement qu’aux victimes de traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle.
Malgré la volonté de l’ancienne ministre des Droits des femmes d’assurer aux mineurs touchés par la traite une « protection inconditionnelle »(3), la CNCDH déplore le fait qu’aucun accompagnement spécialisé des mineurs victimes de traite d’être humain n’ait été mis en place dans le cadre de la protection de l’enfance. Elle recommande donc la mise en place d’une prise en charge adaptée par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE), aux besoins des mineurs victimes de traite d’êtres humains. Ces jeunes doivent bénéficier systématiquement du soutien d’un administrateur ad hoc « s’ils sont isolés ou en danger dans leur famille », ainsi que « d’un accompagnement et d’une prise en charge inconditionnels et adaptés à leur situation » et de « dispositifs de réparation » avec un suivi sur le long terme et sur tous les plans (justice, formation, conditions de vie), ajoute la commission. Cet accompagnement devra se poursuivre même au-delà de la majorité du jeune, indique l’avis.
(1) Avis sur « l’évaluation de la mise en œuvre du plan national contre la traite des êtres humains », prochainement disponible sur