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« La médiation animale peut être un complément des soins »

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Compagnons privilégiés de l’homme, les animaux peuvent aussi être des partenaires de soins chez des enfants souffrant de troubles psychiques ou physiques. Quels bienfaits procurent ces thérapies alternatives en plein développement ? Réponses du pédopsychiatre Daniel Marcelli, qui vient de coordonner un livre sur le sujet.
En général, quel rôle jouent les animaux auprès des enfants ?

L’enfant et l’animal se comprennent spontanément, sans parler. Ce qui ne signifie pas qu’il y ait une absence de communication. Après, tout dépend de l’âge. Le bébé partage avec l’animal une extrême sensibilité, une lecture différente des émotions qui s’expriment par la posture, le tonus, le rythme, l’intonation, les mimiques… Quand l’enfant grandit, l’animal rassure. C’est l’ours en peluche qui fait office de substitution à l’absence de l’adulte, principalement de la mère. Et quand il atteint 4 ou 5 ans, le chat ou le chien peuvent devenir pour lui de réels compagnons de jeu. Plus grands, certains enfants sont fascinés par les animaux qui ont disparu de la planète, comme les dinosaures. Les animaux nourrissent l’imaginaire et sont aussi des supports pulsionnels. Mais la présence d’un animal dans l’entourage d’un enfant joue surtout sur son développement socio-émotionnel. L’affection qu’il témoigne sécurise l’enfant, et celui-ci, en s’occupant de lui, se sent responsable, ce qui participe à la construction de la confiance en soi.

En quoi l’animal peut-il être un auxiliaire de soins ?

Les animaux sont un recours thérapeutique par leur proximité émotionnelle. Ils sont des médiateurs d’autant plus pertinents que les enfants souffrent de troubles de la communication ou du comportement tels que l’autisme. L’immense majorité des enfants qui souffrent de troubles psychiques ont des perturbations de la communication. Or les animaux ne sont pas dans la parole mais dans le regard, le toucher, l’odeur, le jeu… à travers lesquels une sorte d’« accordage affectif » se fait. Pour l’animal, il n’y a pas de différence entre un petit enfant au développement normal et un petit enfant handicapé qui vient vers lui, il les accueille de la même manière. Ce que ne fait pas un adulte : même le plus bienveillant aura un petit réflexe de retenue et fera attention à ce qu’il dit face à un enfant « différent ». Entre un cheval et un enfant atteint de trouble du spectre autistique, une sorte de connivence s’installe de suite. Le cheval a un regard périphérique, il vous regarde sans vous regarder – un peu comme le jeune autiste qui est dans l’évitement du regard de l’autre. Et comme l’animal ne demande pas à l’enfant autiste de parler, celui-ci se retrouve d’un coup dans le même monde que lui, il est à l’aise. Dans d’autres pathologies comme les hémiplégies, les paraplégies, les troubles de la marche, les handicaps moteurs… les animaux, à travers le jeu notamment, peuvent également permettre de stimuler des capacités psychomotrices. Par exemple, guidé par un chien, un enfant malvoyant a la possibilité d’explorer un environnement qui lui échappe autrement.

Qu’observe-t-on comme bénéfices majeurs ?

Passé les premières séances où l’enfant peut marquer des signes d’appréhension, la médiation animale procure une vraie détente. L’enfant sourit, il est mieux dans son corps, moins raide, plus calme, comme apaisé. Une qualité de communication s’installe entre lui, l’animal et le moniteur qui le guide et/ou le soignant. Pour un enfant ayant des troubles psychopathologiques, le fait d’avoir un animal dont il faut s’occuper peut lui faire prendre conscience de l’intérêt de la communication humaine et de la posture de l’adulte qui cherche à prendre soin de lui. Certains enfants en souffrance se sentent menacés dès qu’un adulte veut s’approcher d’eux. Dans ce contexte, l’animal peut agir comme un levier. Avec des enfants ayant un retard mental, l’utilisation d’un chien ou d’un cheval comme médiateur peut avoir aussi un impact positif sur leur évolution psychomotrice et diminuer leur anxiété. De même, le recours à des chiens d’éveil chez des jeunes enfants aveugles contribue à leur faire acquérir plus d’autonomie. Ils sont à la fois moins « collés » à leurs parents et moins isolés. Certains enfants autistes ayant grandi avec un animal familier à la maison semblent développer également une meilleure communication sociale. Pour autant, d’autres autistes, souvent les plus sévèrement touchés, restent indifférents à ce compagnon potentiel.

La médiation animale peut-elle être utile dans le secteur de la protection de l’enfance ?

Pour les enfants maltraités ou carencés affectivement, l’animal constitue un lien très fort qui évite le sentiment d’abandon. L’enfant découvre qu’il existe pour quelqu’un. Il peut aussi accompagner la parentalité. C’est ce que montre une expérience, unique en France, menée dans le service d’aide sociale du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, où une chienne est présente lors de séances d’information avec les familles destinées à prévenir les déficits éducatifs et les risques de placement des enfants. Les travailleurs sociaux axent l’entretien avec les parents sur les besoins fondamentaux de l’animal pour aborder ceux de l’enfant, ce qui permet de ne pas disqualifier ces derniers tout en les sensibilisant à certaines notions de base comme l’équilibre alimentaire, les rythmes du sommeil, l’hygiène, etc. En facilitant le contact entre les professionnels et la famille, la chienne permet de tisser une relation de confiance avec les parents et de parler de sujets difficiles. De leur côté, en jouant avec elle, en la caressant, les enfants ont la possibilité de libérer leurs émotions.

Quels animaux peuvent être utilisés ?

N’importe quel animal peut faire office d’animal-thérapie. Il n’y a pas de pathologies spécifiques qui exigeraient de travailler avec telle ou telle espèce. Beaucoup d’animaux domestiques peuvent se prêter au soin. L’important est qu’ils ne soient pas dangereux et qu’il y ait impérativement un accompagnement avec un adulte. On ne laisse jamais un enfant seul avec un animal. A priori, l’animal ne se défend que s’il est agressé, mais cela nécessite néanmoins de sélectionner des animaux particulièrement calmes et éduqués par des professionnels. D’une manière générale, le principal écueil est le risque d’allergies. C’est un élément essentiel, auquel il faut faire attention. Il faut aussi qu’il y ait un plaisir et un intérêt des parents et de l’enfant pour les animaux, sinon cela ne fonctionnera pas. En France comme dans les autres pays, on utilise surtout des poneys, des chevaux et des chiens… Dans certains pays situés en bord de mer, la delphinothérapie, qui met des patients au contact de dauphins, se développe, mais elle requiert des conditions géographiques et des compétences spécifiques.

Quels sont les thérapeutes qui associent les animaux à leurs pratiques ?

Il s’agit essentiellement de pédopsychiatres, de psychologues, d’éducateurs spécialisés, de psychomotriciens, d’infirmiers, de kinésithérapeutes… pour ce qui concerne le handicap mental. Mais on ne s’improvise pas équithérapeute, par exemple, il faut avoir suivi une formation extrêmement pointue pour encadrer les patients et respecter le bien-être de l’animal. On ne peut pas faire n’importe quoi. Les techniques de soin par l’animal exigent de prendre des précautions et de respecter des protocoles établis. Ce n’est pas de la magie. Il ne faut pas non plus faire croire au miracle : la présence d’un animal peut sensiblement améliorer un enfant inhibé ou phobique, qui va se sentir rassuré, mais il ne guérit pas. C’est un complément des soins classiques.

Finalement, que donnent les animaux que les humains n’apportent pas ?

Ils nous procurent le chaînon manquant entre la nature et le monde dans lequel nous vivons, de plus en plus matériel, déshumanisé. Depuis la nuit des temps, l’être humain a vécu parmi les animaux. Notre milieu naturel n’est pas la ville et les voitures. Si vous emmenez des enfants à la campagne, ils vont se mettre à gambader, à courir, ils sont heureux. Les enfants sont passionnés par le fait de planter trois graines dans la terre et de les observer pousser. Outre qu’elle répond à une demande, la médiation animale participe, semble-t-il, à ce besoin de se reconnecter à la nature. La protection de l’environnement est en vogue en ce moment. On se rend compte qu’il faut porter un autre regard sur l’animal, qu’il faut le reprendre en considération car il est un élément essentiel de la vie sur terre. Le monde animal fonctionne comme un « passeur » pour la socialisation de l’enfant au point que, dans les villes modernes où les animaux ont de moins en moins droit de cité, les fermes dites « pédagogiques » se multiplient et les animaux rentrent dans les écoles.

Propos recueillis par Brigitte Bègue

Repères

Le pédopsychiatre Daniel Marcelli est professeur émérite de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Il préside la Fédération nationale des écoles des parents et des éducateurs (FNEPE). Il vient de coordonner avec Anne Lanchon le livre L’enfant, l’animal, une relation pleine de ressources (éd. érès, 2017) qui rassemble les textes de dix spécialistes de la médiation animale.

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