Déclassés. Voilà l’adjectif qui définit Carlos, David et Sara, trois trentenaires espagnols promis à un brillant avenir et frappés de plein fouet par la crise ibérique. Ils ne se connaissent pas mais partagent le même mal-être, les mêmes ressentiments, les mêmes existences éclaboussées par l’échec. Chacun incarne un chapitre de la bande dessinée Le monde à tes pieds, un titre ironique pour parler de cette génération sacrifiée.
Héros du premier épisode de ce triptyque, Carlos est un ingénieur surdiplômé qui est obligé de vivre aux crochets de son petit ami. Le seul emploi qu’il a trouvé est celui de vendeur dans une boutique de mode féminine, où il est exploité. Le jour où, enfin, un emploi se profile, il doit faire un choix cornélien : le poste est en Estonie, et son conjoint kinésithérapeute ne peut pas le suivre. Pour David, la situation est encore plus compliquée : il vit encore chez sa mère, femme de ménage, et l’aide à s’occuper de son grand-père, lourdement handicapé. Cela fait des années qu’il ne passe plus d’entretien d’embauche. La seule opportunité financière qui s’offre à lui ? Devenir gigolo… Présentée au format à l’italienne, cette dense BD s’achève sur le portrait de Sara, démarcheuse téléphonique à bout de nerfs. Son master d’histoire en poche, elle nourrissait d’autres ambitions. Les problèmes d’argent plombent sa vie de couple. Elle envie Paula, sa sœur aînée partie à Londres voici des années pour finir son doctorat… Jusqu’au jour où elle découvre que, de l’autre côté de la Manche, Paula travaille comme serveuse dans un pub et vit en colocation à près de 40 ans.
A tous ces personnages – et à leur entourage –, la société fait croire que l’accès à un emploi, quel qu’il soit, est un privilège. « Notre guerre, conclut Sara, consiste à apprendre à vivre dans un monde qui n’en a rien à foutre de nous. »
Le monde à tes pieds
Nadar – Ed. La Boîte à bulles – 20 €