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Maine-et-Loire : le bras de fer sur les appels à projets se poursuit

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« Un coup dur », mais « rien n’est désespéré ». Le président de l’Arpeje 49 (Accompagnement à la réalisation du projet éducatif pour le jeune et l’enfant), à Angers, ne cache pas sa déception. A la fin juin, l’association, qui gère deux maisons d’enfants à caractère social, avait déposé des recours en référé-suspension au tribunal administratif de Nantes, pour attaquer les appels à projets du conseil départemental de Maine-et-Loire dans le champ de la protection de l’enfance. La procédure a complètement reconfiguré l’offre d’accueil – en retenant huit candidats sur dix-sept, dont deux nouveaux entrants – et a abouti à la fin du financement de cinq associations, dont l’Arpeje 49, qui n’ont obtenu aucune place. Un bouleversement inédit qui a suscité une vaste mobilisation, d’ampleur nationale(1).

Un recours en référé-suspension rejeté

Le 17 juillet, la juridiction a rejeté la requête de l’Arpeje 49, considérant qu’« aucun des moyens invoqués n’est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ». Ce référé-suspension a été déposé compte tenu de « l’urgence dans laquelle l’association se trouve, puisque ses services vont rapidement ne plus pouvoir fonctionner », explique Yves Spiesser, président de l’Arpeje 49. Le fait que le département maintienne les habilitations des associations évincées, ce qui est censé leur permettre de prendre en charge des enfants confiés par d’autres départements, ne revient qu’à les asphyxier progressivement, proteste Yves Spiesser. « Nous sommes placés dans le couloir de la mort et quand les structures retenues vont nous remplacer, ce sera l’exécution. Le département évite ainsi d’assumer les frais de fermeture et fait porter à l’association la responsabilité de cette condamnation à fermer… »

Dans ses conclusions, le juge des référés considère que le département a organisé un appel à projets « prévu par son schéma “enfance, famille et soutien à la parentalité 2016-2020” ». Cette référence « donne l’impression que le schéma départemental a force de loi et que tout ce qui se trouve dedans est légal », conteste Yves Spiesser, qui précise que l’association réfléchit à l’opportunité de former un recours devant le Conseil d’Etat. « Est-ce que le droit des collectivités à travers ce schéma peut être plus fort que le code de l’action sociale et des familles [CASF] qui encadre la procédure d’appel à projets ? » Les associations opposées à cette procédure arguent que, selon l’article L. 313-1-1 du CASF, la vocation des appels à projets est de délivrer des autorisations à des établissements et services portant des projets de création, de transformation ou d’extension, et non de remettre en cause l’offre existante.

C’est le raisonnement pour lequel l’Arpeje 49 a également déposé une requête sur le fond, pour dénoncer « le détournement de la procédure » de l’appel à projets. L’association espère cette fois obtenir une jurisprudence favorable. « Autrement, ce serait dramatique pour l’ensemble du secteur associatif », craint Yves Spiesser. « Cette deuxième requête sera examinée dans un délai de 12 à 18 mois. Est-ce que, en attendant, les associations retenues vont engager des investissements, si par la suite tout est remis en cause ? », interroge-t-il par ailleurs. Sur le site Internet du conseil départemental, Christian Gillet, son président (Union des démocrates et indépendants), considère pourtant la victoire comme acquise : « La démarche entreprise par le département pour la nécessaire refonte de l’offre d’accueil et d’accompagnement des enfants confiés en Maine-et-Loire est validée. Elle va donc pouvoir continuer à se déployer, en lien avec toutes les associations qui sont déjà au travail, conformément à la stratégie arrêtée par le conseil départemental. »

Lettre ouverte

Mobilisée depuis le début de cette affaire, l’Uriopss (Union régionale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux) des Pays de la Loire a, dans la foulée de son assemblée générale du 22 juin, rendu publique une lettre ouverte « à l’ensemble des décideurs publics et à ses partenaires », accompagnée d’un communiqué commun avec l’Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux). L’Uriopss avait, à plusieurs reprises, alerté sur « les risques de fragilisation du tissu associatif, sur l’inadéquation entre les exigences de qualité de l’accompagnement et les moyens alloués, sur la tarification énoncée et ses zones de risques pour les structures, sur les conditions de mise en œuvre concrète des réalités qualitatives de l’accompagnement des enfants », rappelle-t-elle.

« Dévoiement » de la procédure

La lettre ouverte de l’Uriopss, qui dénonce « le dévoiement » de la procédure de l’appel à projets, vise plus largement à éviter que « se multiplient des situations de concurrence exacerbée, pouvant aller jusqu’à la disparition d’associations » et à faire en sorte que « nulle part ailleurs les pouvoirs publics considèrent les associations comme de simples prestataires ». La missive défend la nécessité d’une « évaluation partagée de l’évolution des besoins sociaux », d’un « dialogue de gestion juste et pertinent sur les objectifs définis et les moyens financiers alloués entre les financeurs et les acteurs de terrain » et d’une « évaluation régulière et croisée des projets, tant politiques que techniques ». Des préconisations partagées par l’Uniopss, dont le président est intervenu lors de l’assemblée générale de l’union régionale. Patrick Doutreligne a pointé « les effets collatéraux occasionnés par une telle situation en Maine-et-Loire ». Celle-ci entraîne notamment le « non-respect de la charte d’engagements réciproques entre l’Etat, le mouvement associatif et les collectivités territoriales du 14 février 2014 », a-t-il souligné.

Dans un communiqué du 29 juin, le Cnaemo (Carrefour national de l’action éducative en milieu ouvert) dénonce également le « détournement des appels à projets » par certains départements « qui profitent de cette pratique pour restructurer l’ensemble de l’offre en protection de l’enfance sur leur territoire à moindre coût ». Le Cnaemo fait savoir qu’il « demandera un rendez-vous à l’Assemblée des départements de France pour évoquer ce sujet et trouver des solutions qui ne compromettent pas un système de protection qui se veut toujours plus respectueux des droits des bénéficiaires et des professionnels engagés ».

Notes

(1) Voir ASH n° 3012 du 26-05-17, p. 9 et n° 3018 du 7-07-17, p. 21.

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