« Lorsque nous recrutions, en 2016, pour le poste de direction de deux ITEP[1], outre l’exigence de posture éthique, deux compétences nous semblaient nécessaires : pouvoir accompagner le changement et savoir gérer des projets complexes, comme la réunion des deux ITEP et la création d’un bâtiment de 2 500 m2 pour le nouveau centre de formation et la cuisine centrale de l’association, se souvient Isabelle Chabbert, directrice générale de l’Association pour l’éducation et l’apprentissage des jeunes (APEAJ)(2). Pour ce faire, nous avons pris le risque de recruter quelqu’un qui n’était pas du secteur. »
Le choix s’est porté sur Alain Disy. A 51 ans, il avait déjà vécu plusieurs vies professionnelles. Après une classe préparatoire scientifique, il est entré au ministère de l’Equipement en 1987 où il a occupé un éventail de postes, avec des missions techniques, d’urbanisme opérationnel et stratégiques, pilotant des équipes et des projets d’aménagement urbain au niveau de 26 communes, puis du département du Haut-Rhin. Arrivé dans le Sud-Ouest pour faire l’interface entre l’architecte du viaduc de Millau et le maire de cette ville de l’Aveyron, il a mis à profit la période de l’enquête publique pour se spécialiser dans le management des organisations, puis a choisi en 1999 de s’y consacrer en créant son cabinet conseil et en quittant son statut de fonctionnaire.
Son premier contact avec le social date de son intervention auprès du conseil général du Tarn pour réorganiser l’accueil social de la direction des solidarités. Puis il est recruté comme directeur général des services (DGS) de Gimont, commune gersoise de 3 000 habitants avec des projets urbains. « Pendant dix ans, j’y ai approfondi mes connaissances dans le social puisque nous avons créé une maison des solidarités et une maison de l’enfance », se souvient-il. C’est dans son dernier poste de DGS à la mairie de Saint-Lys (Haute-Garonne), où il encadre le CCAS et s’intéresse à la gestion d’un EHPAD racheté par la commune, qu’il a l’occasion de travailler avec Isabelle Chabbert, dans ses précédentes fonctions.
La formidable capacité d’adaptation de ce fils de deux Antillais, né en Moselle, et qui aurait pu signer un contrat de footballeur professionnel à 17 ans, lui a permis de relever un nouveau défi. « Quand l’ARS m’a parlé de ce poste, je ne savais pas ce qu’était ce métier, et il a fallu que je travaille énormément. Mais je me suis acculturé rapidement, notamment à la psychanalyse institutionnelle, indique celui qui a aussi obtenu un diplôme de psychologie en VAE. Et tout cela fait sens aujourd’hui : j’utilise chaque jour dans mon travail tout ce que j’ai fait jusqu’à présent. »
Sans connaître l’ensemble de son parcours, la cheffe du service administratif Martine Renault apprécie son côté « entreprenant ». « Vous ne pouvez pas mesurer tous les évolutions qui se sont opérées depuis son arrivée, affirme-t-elle. Sans doute parce qu’il n’est pas du secteur, où nous sommes assez réfractaires au changement, il a réussi à faire une petite révolution tout en maintenant la continuité pour les jeunes accueillis. Et ce, en menant un important travail de réassurance des équipes. Après un an, on peut dire que le pari est réussi ! » Un avis partagé par la directrice générale : « Il est parvenu à déployer les compétences pour lesquelles il a été recruté et à acquérir rapidement celles qu’il n’avait pas, se félicite-t-elle, avec une vraie qualité de présence, de questionnement et de mise en perspective. »
Ce père de quatre enfants, qui coanime sur son temps libre des ateliers de relaxation-méditation et d’art thérapie pour adultes schizophrènes, va-t-il enfin se poser ? « J’ai beaucoup bougé dans ma vie, avoue-t-il. Mais c’est le premier emploi qui fait totalement sens pour moi. »
(1) Les ITEP Louis-Bivès et Le Home, associés chacun à un Sessad, ont l’agrément pour 127 jeunes de 11 à 16 ans et de 16 à 21 ans.